Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
dites obscures.
La « Bataille dans le Ciel » est en effet
inséparable de l’aspect lumineux, en fait de la flamme divine, qui est celui de
Michel : « Il y eut une bataille dans le ciel. Michel et ses Anges
combattirent le Dragon. Et le Dragon riposta avec ses Anges, mais ils eurent le
dessous et furent chassés du ciel » ( Apocalypse ,
XII, 7). C’est sans doute pour cela que « Dieu a déposé dans la main de
Michel le nom secret par lequel le Ciel fut suspendu avant que le monde ait été
créé, et pour l’éternité ; le Nom par lequel la terre a été fondée sur l’eau,
et par lequel des secrètes profondeurs de la montagne viennent de belles eaux »
( Livre d’Énoch éthiopien, LXIX, 14). C’est
aussi pour cela qu’à chaque apparition de Michel correspond une apparition de
la Schekhina , c’est-à-dire, d’après la
tradition talmudique, la représentation de Dieu lui-même dans son activité s’exerçant
dans le monde. On ne peut être sans
manifestation lumineuse. On ne peut agir sans s’opposer à l’Autre , car un sujet n’existe qu’en
fonction de l’objet. Or, Dieu, sous quelque nom qu’on le reconnaît, n’est Dieu
que parce qu’il anime une dialectique des contraires : Michel en lutte
contre le Dragon traduit cette dialectique. Et lorsque saint Aubert, évêque d’Avranches,
a la vision de l’Ange sur le Mont-Tombe qui deviendra le Mont-Saint-Michel, il
ne veut rien croire de ce qu’il voit. Pour qu’il soit convaincu, il faut que l’Archange
lui enfonce le doigt dans le crâne et y fasse un trou. C’est de la légende, dit-on.
Cela va plus loin. Car le geste symbolique de l’Archange mettant son doigt dans
le crâne de saint Aubert équivaut à l’éveil du chakra supérieur situé sur le sommet du crâne, l’Œil du Bouddha, ou, si l’on préfère, le
siège de Çiva, où aboutit la Kundalini lovée
autrefois sous le sexe, et qui, se déroulant lentement lors de l’initiation, atteint
le point de non-retour de l’illumination, l’union totale avec la divinité, autrement
dit la Lumière absolue. Michel est plus que le prince. Il est la Lumière de
Dieu.
Il n’est pas inutile de faire référence à la Schékhina . Elle est en effet un élément important de
toute étude de l’Archange Michel. Dans la tradition kabbalistique, la Schékhina
est en effet le « Visage de Dieu », mais avec une connotation
nettement féminine : c’est la face divine cachée de Dieu, l’élément féminin qui existe en Dieu et que les religions à tendances
androcratiques ont fait disparaître de leur enseignement : là où elles ne
voient plus qu’un Dieu-Père, l’ésotérisme vient rappeler que Dieu est aussi un Dieu-Mère et que la Trinité chrétienne peut très
bien s’exprimer de la façon suivante : Dieu-Mère, Esprit-Saint géniteur, Fils
incarné et contingent. Or l’Archange participe de la fonction du Fils et se
trouve nécessairement lié à la manifestation lumineuse et à l’action humaine. D’où
son rôle et sa fonction de chef des milices célestes, théophanie divine permanente que l’imaginaire a
parée des couleurs les plus hautes de la hiérarchie des symboles.
Beaucoup plus que le contexte socio-culturel égyptien copte
dans lequel il apparaît, c’est le contexte celtique qui peut le mieux rendre
compte de la réalité essentielle de l’entité angélique que l’on nomme Michel. On
pourra s’étonner d’une telle affirmation, puisque le culte de l’Archange s’est
développé dès le début du IV e siècle chez
les Chrétiens d’Égypte et d’Éthiopie : mais c’est oublier que les moines
coptes furent chassés au VIII e siècle, et
qu’ils se réfugièrent en Occident, où ils influencèrent durablement les
Chrétientés celtiques. D’autre part, un point essentiel de la diffusion du
culte de saint Michel fut la ville de Chonae, en Phrygie, c’est-à-dire dans un
pays où les Galates, peuple gaulois, avaient laissé des traces profondes :
et, là aussi, il faut rappeler que cette Asie Mineure est le véritable berceau
du Christianisme, et que les Chrétientés celtiques y ont puisé bon nombre de
leurs particularismes.
Mais ce sont là des raisons historiques. Il y a plus, et
dans le domaine des traditions mythologiques. Le culte de saint Michel a
incontestablement recouvert d’anciens cultes païens. Il est significatif que le
grand moment du triomphe de l’Archange en Occident a été l’apparition
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