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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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lui expliqua que le Monte-Gargano était sous sa protection :
le taureau réfugié dans une des grottes du Mont avait donc eu la vie sauve
parce qu’il se trouvait en quelque sorte dans un asile sacré. Et l’Archange de
Lumière aurait déclaré à l’évêque qu’il désirait qu’un sanctuaire fût bâti à
cet endroit. Ainsi naquit l’établissement de Monte-Gargano [39] .
    Il y aurait beaucoup à dire sur cette affaire. Le taureau
évoque irrésistiblement le culte de Mithra. On sait que ce dieu solaire, né un
25 décembre de la Terre-Mère, poursuit les forces chaotiques inorganisées
représentées sous l’aspect d’un taureau. Mithra tue le taureau, mais répand son
sang sur ses fidèles pour leur donner la puissance du taureau. Voilà qui est
fort instructif pour l’interprétation à donner au combat de saint Michel et du
Dragon : le Dragon, comme le Taureau, représente une potentialité non
encore mise en œuvre et qui, par son aspect instinctif et terrifiant, peut
constituer un redoutable danger. Il faut dompter ses forces et les endiguer de
façon à enrichir l’humanité de cette potentialité encore vierge. Et c’est là qu’intervient
le dieu Mithra. Saint Michel ne fait que reprendre le flambeau, si l’on peut
dire, pour conduire l’acte à son épilogue.
    Il est plus que probable que l’évêque de Spolète, fort au courant
des vestiges du culte mithraïque, et sachant fort bien que l’affaire du taureau
était une résurgence des anciennes croyances, a voulu récupérer ces relents de
paganisme et les intégrer à la foi nouvelle. Il ne s’agissait pas de combattre
les anciennes croyances – cela se serait vraisemblablement terminé par un échec
– ; il s’agissait seulement de les christianiser. Le même processus s’est
déroulé, au cours du Moyen Âge, dans tous les pays gagnés au Christianisme, et
cela n’a rien d’exceptionnel. Et, de plus, au Monte-Gargano, rôdait le souvenir
d’un antique géant, le fameux Gargan de la tradition populaire, géant ambigu
parce qu’à la fois destructeur et constructeur, à la fois monstrueux par sa
taille et grand pourfendeur de monstres. Là encore, le personnage somme toute
fantastique de Michel pouvait très bien se superposer aux images devenues
désuètes de Mithra et de Gargan. C’était du même coup insuffler une nouvelle
vitalité au culte de l’Entité divine ou angélique protectrice des faibles et
porte-étendard de la révolte des Justes contre les Injustes. La morale, tout
autant que la religion, ou la simple spiritualité, y trouvait son compte.
    Une autre apparition de l’Archange Michel aurait eu lieu en
l’an 590 à Rome pendant une épidémie de peste, alors que les Lombards
assiégeaient la ville. Après avoir ordonné que l’on portât en procession l’image
de la Vierge Marie, le pape saint Grégoire aurait vu dans le ciel, au-dessus du
Mausolée d’Hadrien, un grand Ange qui essuyait et remettait au fourreau un
glaive ensanglanté. Il en conclut que l’épidémie était terminée, et pour
célébrer l’événement, il ordonna qu’une église fût dédiée à saint Michel sur la
Via Salaria. La dédicace du sanctuaire eut lieu un 29 septembre, et c’est
en souvenir de cette dédicace que la fête de l’Archange Michel fut fixée à
cette date du calendrier liturgique. Et d’autres églises, à Rome et en Italie, furent
édifiées en l’honneur de saint Michel.
    De là, le culte remonta vers les Gaules. À Lyon, une
basilique Saint-Michel fut fondée avant l’an 506. À la fin du VII e  siècle, sur la côte poitevine, ce fut la
création de l’abbaye de Saint-Michel-en-l’Herm. À l’autre extrémité de l’ancienne
Gaule, sur les frontières de la Germanie, ce fut l’abbaye de Saint-Michel, qui
est aujourd’hui devenue la ville de Saint-Mihiel. Et dès lors, le culte de l’Archange
fut propagé par les moines irlandais itinérants et par les missionnaires anglo-saxons
qui allaient évangéliser tout le nord de l’Europe. C’est entre Saint-Malo et le
futur Mont-Saint-Michel que débarqua l’Irlandais Colomban, avant de s’enfoncer
vers l’est et d’accomplir son périple continental, et l’un de ses disciples, Potentin,
s’établit définitivement près de Coutances, à partir de 610. Mais avant cette
date, le Poitevin Pair s’était établi, en compagnie d’un autre religieux, Scubillion,
dans un endroit isolé, au bord de la mer, non loin de la grande forêt

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