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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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représenté par le
héros Cûchulainn, l’un des personnages les plus considérables du cycle d’Ulster.
Sa mère est une femme-cygne , c’est-à-dire un
être appartenant aux deux mondes, et sa naissance est double, entourée de
mystère : le fait de naître deux fois signifie assez clairement l’ambivalence
du héros, sa matérialité et sa spiritualité. On a mis en évidence que l’Irlandais
Cûchulainn est un des visages d’un héros commun à l’antique tradition
indo-européenne, dont un autre aspect est le Batraz des Nartes, peuple d’origine
scythique de l’Asie centrale. Cûchulainn est dit, dans certains textes, avoir
été engendré par le dieu Lug lui-même. Dans d’autres textes, il est le fils
incestueux du roi Conchobar. De toute façon, sa naissance est le résultat d’une
transgression obligatoire pour définir sa double nature. Il est doué d’une
force extraordinaire. Il est rempli d’une telle ardeur qu’après un combat, on
ne peut calmer son feu intérieur qu’en le plongeant dans trois cuves d’eau
froide qu’il fait bouillir. La lumière du héros jaillit de son front. Il combat tous les monstres. Il est le champion
incontesté des forces célestes contre les forces obscures. Et il est, comme Lug,
un marginal : il est le seul à ne pas subir la maladie magique qui frappe
les Ulates lorsque ceux-ci sont attaqués par des ennemis, et c’est à lui seul
qu’il parvient à écarter tout danger pour son peuple. De plus, son véritable
nom, qui est Sétanta, indique son origine étrangère : il est brittonique (c’est-à-dire
breton, au sens archaïque) alors qu’il vit dans un contexte gaélique. Il est le
neveu du roi, mais son attitude est celle d’un franc-tireur qui suit son propre
destin tout en contribuant à équilibrer le destin du peuple auquel il est lié. [36] Sa fureur, ses contorsions magiques et cyclopéennes, sa puissance, sa lumière , en font également un héros surnaturel dans
la mesure où il est un être humain revêtu de pouvoirs divins.
    L’aspect le plus fondamental de Cûchulainn est celui d’un « purgeur
de monstres » qui, en accomplissant cette mission sacrée, contribue à l’équilibre
du monde. Sans lui, cet équilibre risque à chaque instant d’être rompu, ce qui
aurait pour conséquence de plonger le monde dans les ténèbres et la violence du
chaos primitif. À côté du roi (en l’occurrence Conchobar) – et dans le cas de
Lug, à côté du dieu-roi Nuada –, Cûchulainn représente l’élément actif et
régénérateur. Le roi n’est qu’un pivot, indispensable certes, mais plus passif :
ce n’est pas le roi qui met en œuvre la puissance, car le roi n’est détenteur
que de l’énergie potentielle, mais un agent extérieur auquel le roi confie la mission de « créer l’événement ». La
comparaison avec la tradition concernant saint Michel s’impose alors : si
Dieu lui-même, dans sa plénitude, est le Créateur, le détenteur exclusif de l’énergie
potentielle, c’est le « prince », le « chef des milices célestes »
qu’est Michel qui occupe la fonction d’agent exécuteur.
    Et, curieusement, toujours dans le cadre celtique, mais modifié
et adapté à l’évolution de la société chrétienne du XII e  siècle, le personnage de Lug-Cûchulainn
réapparaît sous les traits bien connus du chevalier arthurien Lancelot du Lac. On
peut s’étonner de cette identification, le brillant amant de la reine Guenièvre,
celui qui échoue dans sa quête du Graal parce qu’il est en état de péché d’adultère,
n’ayant apparemment aucun point commun avec l’Archange Michel, symbole de la
pureté absolue, celui qui pose l’éternelle question « qui est comme Dieu ? ».
    Les apparences sont parfois trompeuses. Dans le contexte
chrétien du XII e  siècle, Lancelot ne peut
être que pécheur au regard de la morale. Il ne peut qu’échouer dans sa
tentative de retrouver le « saint » Graal depuis que ce mystérieux
objet sacré est devenu, toujours dans le contexte chrétien, un calice où l’on a
recueilli le sang du Christ [37] . Les auteurs de la Quête du Graal , sous influence cistercienne, l’ont
si bien compris qu’ils ont pallié l’échec de Lancelot par la création d’un
nouveau personnage, Galaad, fils de Lancelot, image purifiée et véritablement christique d’un héros, héritier d’une antique
divinité païenne, qui recherchait le Graal dans la Femme (la Déesse des

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