Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
pas sans saint Michel, et, en allant plus loin, le
personnage de Satan n’existe pas sans Yahvé-Dieu, ce qui est d’une logique
parfaite, puisqu’on nous assure que les Anges, bons ou mauvais, sont des
créatures de Dieu. Et si l’on admet l’équivalence entre le Serpent et le Dragon
– ce qui n’est plus à démontrer –, on ne peut que se référer à la Genèse (III, I) : « Le Serpent était le
plus rusé de tous les animaux des champs que Dieu avait faits. »
Mais, ici, c’est du Serpent primitif dont il est question :
il n’habite pas encore les profondes cavernes de la terre, et il n’est
remarquable que par sa ruse, ce qui suppose une intelligence déjà disposée à
aller plus loin que ne l’avait prévu le Créateur. En somme, si l’on prend le
texte de la Genèse à la lettre, une créature
de Dieu – et qui n’est pas l’homme – est en passe de détourner la pensée divine
de son but initial, et la tentation d’Adam et Ève, tentation qui se révèle
fructueuse puisqu’elle aboutit au succès de l’entreprise, prouve ce dépassement,
cette transgression de la part de la créature, face au Créateur. Et c’est après
la transgression que le Serpent acquiert ses caractéristiques. Le texte de la Genèse est alors très énigmatique, très complexe (III,
14) : « Alors Yahvé-Dieu dit au Serpent : parce que tu as fait
cela, maudit sois-tu entre tous les bestiaux et toutes les bêtes sauvages. Tu
marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie. »
Voilà qui fait du Serpent un être tellurique, ce qu’il n’était pas auparavant. Mais
ce n’est pas tout. Le texte ajoute (III, 15) : « Je mettrai une
hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il (le lignage de la femme) t’écrasera la tête et tu l’atteindras au talon. »
Il est évident que toutes les représentations où l’on peut remarquer
la Vierge Marie foulant au pied la tête d’un serpent sont provoquées par cette
phrase de la Genèse . Mais, dans ce cas, on se garde bien de représenter la Vierge se faisant mordre
au talon . C’est comme si l’on s’était empressé d’oublier la seconde
partie de la phrase. Pourquoi donc ? À la rigueur, on peut comprendre que
le genre humain, c’est-à-dire le lignage de la Femme (Ève), veuille prendre sa
revanche sur le Serpent, tenu pour responsable de ses souffrances et de ses
malheurs : ce ne serait que justice. Mais pourquoi l’acharnement du
Serpent, et surtout pourquoi l’avoir négligé dans la plupart des représentations ?
Il faudrait alors admettre que rien ne peut se faire, depuis la chute
originelle, sans l’affrontement entre le lignage de la Femme et celui du
Serpent. Et c’est là que nous retrouvons le combat de l’Archange et du Dragon, mais
avec une tout autre signification que celle qui est admise de façon exotérique , c’est-à-dire au premier degré :
sur un plan supérieur, cet affrontement doit être conçu comme une nécessité parce qu’il témoigne d’un
échange obligatoire entre deux entités, entre deux concepts, entre deux forces.
C’est en tout cas cette hostilité entre la Femme et le
Serpent qui conditionne le récit de l’ Apocalypse (XII) : « Un signe grandiose apparut au ciel, une Femme. Le soleil l’enveloppe,
la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; elle est
enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l’enfantement. Puis un
second signe apparut au ciel : un énorme dragon rouge feu, à sept têtes et
dix cornes, chaque tête surmontée d’un diadème. Sa queue balaie le tiers des
étoiles du ciel et les précipite sur la terre. En arrêt devant la femme en
travail, le Dragon s’apprête à dévorer son enfant aussitôt né. Or la femme mit
au monde un enfant mâle, celui qui doit mener toutes les nations avec un
sceptre de fer. Et son enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son trône tandis
que la femme s’enfuyait au désert. » C’est ensuite le combat de Michel et
du Dragon, décrit comme « l’antique Serpent », et l’enchaînement de
celui-ci pour mille années. Puis le Dragon est relâché et tente de reprendre
son combat : « Mais un feu descendit du ciel et les dévora. »
Ici, le texte devient obscur, car c’est le Diable, le « séducteur », qui
est jeté dans l’étang de feu, y rejoignant la Bête et le faux prophète, tandis
que le Dragon est seulement « rejeté sur la
Weitere Kostenlose Bücher