Le mouton noir
aider Bigot et sa bande, ils nâen auraient pas à se saisir de mes papiers et à les faire disparaître, et moi de même. Un mort ne peut témoigner.
Je parlai de tout ça à Justine, ma meilleure conseillère.
â Si tu veux vraiment te rendre en France afin de te soulager le cÅur à propos de ce que tu sais, écris tout de suite à cet enquêteur et fais-lui part de tes craintes au sujet des documents. Demande-lui, par le même courrier, dâobtenir pour toi lâargent nécessaire pour passer en France et y séjourner quelque temps. Sinon, cesse de te faire des remords pour ce que tu ne peux accomplir. Tu nây es pour rien. Je sais parfaitement bien que si nous avions suffisamment dâargent pour te payer pareil voyage, tu serais déjà en route pour Paris.
â Tu as raison, ma mie, mais si je ne fais pas le voyage en France cette année, tout ce que jâai ramassé de preuves contre ces escrocs ne servira à rien. Peut-être vaut-il mieux que je prenne le risque de les voir se perdre en route plutôt que de renoncer à ce quâelles se retrouvent entre les mains du juge.
Malgré tout, je ne me décidais pas à expédier ces documents si chèrement amassés. Jâétais tellement tourmenté par cette question que je nâen dormais plus, quand un vrai miracle se produisit. Jâen remercie encore le ciel tous les jours.
Chapitre 57
La surprise
Ne me demandez pas pourquoi, chaque fois que je déménageais, je faisais suivre lâarmoire et le coffre hérités de mon grand-père. Lâarmoire me servait à ranger un peu de hardes, et dans le coffre, je conservais précieusement mon journal et les importants papiers concernant les tractations de lâintendant. En partant de Québec, jâavais fait transporter lâarmoire et le coffre au manoir. Je les utilisais presque tous les jours jusquâà ce quâun soir, voulant ouvrir lâarmoire pour y prendre mon pourpoint, je ne pus y parvenir. La porte restait coincée, sans doute en raison des nombreux déménagements subis.
Jâattendis quâil fasse jour pour y voir plus clair, mais rien nây fit. Comme un âne têtu qui ne veut pas avancer, la porte ne voulait pas ouvrir. Ne souhaitant pas abîmer ce meuble ancien, je mâadressai à un menuisier, lâinvitant à venir au manoir voir sâil pourrait me décoincer cette porte sans tout briser. Il inspecta longuement le meuble et tenta de lâouvrir comme nous lâavions fait, en glissant un riflard entre la porte et le côté de lâarmoire. Mais il eut beau essayer et essayer encore, il ne parvint pas à la faire céder. De peur dâendommager le meuble, lui non plus ne voulut pas forcer davantage.
Nous nâétions pas plus avancés que la veille et nous nâarrivions pas à solutionner le problème. Jâavais pourtant besoin de mon pourpoint. Justine se moqua quelque peu de moi en disant:
â Peut-être que pour sâouvrir, cette armoire a besoin dâune main féminine.
â Pourquoi pas! dis-je, en guise de moquerie. Nous y sommes allés par la force, peut-être faut-il y aller par la douceur.
Justine sâapprocha et fit mine de flatter lâarmoire. Elle sâappuya dessus et au moment où elle allait toucher la porte, un craquement, comme une longue plainte, se fit entendre. Il fut suivi par le bruit de pièces de monnaie qui tombent dâune bourse. Puis, en grinçant, la porte sâouvrit tranquillement. Je ne crois pas à la sorcellerie, mais là , jâen fus tout chaviré. Justine elle-même recula comme si elle venait de voir un fantôme. Il nous fallut plusieurs minutes pour nous décider à nous approcher de lâarmoire et ce que nous y vîmes nous bouleversa. Le fond était couvert de pièces dâor et dâargent. Je nâen croyais pas mes yeux. Je me décidai à les ramasser, tout en me demandant dâoù elles pouvaient provenir. Je ne reconnaissais aucune de ces pièces, mais je savais quâelles étaient fort anciennes et, peu à peu, je me fis une idée de leur provenance. Je dis à Justine:
â Cette surprise, si je ne me trompe pas, nous la devons à mon grand-père Arnaud.
â Tu crois?
â Regarde bien, tout au fond de lâarmoire, il y a les
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