Le mouton noir
restes dâun bas de laine. Câétait sans doute toute sa fortune. Il est mort si vite quâil nâa pas eu le temps de la toucher, non plus que dâen révéler lâexistence. Mon père ne savait certainement pas que lorsquâil a récupéré cette armoire, elle contenait un trésor.
Marie sâétait approchée. Elle examina lâarmoire de plus près et dit:
â Père mâa raconté que notre grand-père Arnaud était un spécialiste de lâescamotage. Il avait, paraît-il, réalisé des dispositifs pouvant faire disparaître des objets passablement grands sous le banc avant dâune voiture ou de la proue dâun vaisseau. Sans doute a-t-il usé de la même astuce pour faire disparaître sa fortune dans cette armoire. Le mécanisme se sera brisé et en sâouvrant, la porte a livré son secret.
Marie disait vrai, car jâexaminai cette porte de plus près. Il y avait à lâintérieur un compartiment dans lequel, sans doute, était rangé le bas de laine et les pièces dâargent quâil contenait. Jâavais pourtant ouvert souvent cette armoire sans jamais remarquer quoi que ce soit. Pendant que jâexaminais le meuble de plus près, Marie sâintéressa aux pièces dâor et dâargent. Elle sây connaissait passablement plus que moi en ce domaine, car elle dit:
â Il y a là -dedans des louis dâor et dâautres pièces provenant dâEspagne et dâailleurs. Cet héritage nâest pas à dédaigner.
â Nous le partagerons, dis-je, quand nous en connaîtrons la valeur.
Jâexaminai le meuble de plus près et demandai à Justine:
â Pourrais-tu refaire les gestes qui tâont amenée à ouvrir lâarmoire?
Elle sâapprocha doucement et sây appuya un moment.
â Câest tout, dit-elle.
â Tu en es certaine?
Je mâappuyai à mon tour là où elle lâavait fait. Mon index sâintroduisit tout naturellement dans une cavité du bois et je compris que câétait par là que sâactivait le mécanisme permettant dâavoir accès au compartiment dissimulé à lâintérieur de la porte. Jamais je ne lâaurais su si la porte nâétait pas restée coincée. Mon grand-père avait doté son armoire dâune bien astucieuse cachette.
â Sâil lâa fait pour lâarmoire, dis-je à Justine, sans doute en a-t-il fait de même pour le coffre!
â Lâidée nâest pas mauvaise! Examinons-le de plus près!
Il nous fallut quelque temps avant de trouver, tout à lâarrière du coffre, lâaspérité nous permettant de déclencher le dispositif dâouverture dâun compartiment secret. Le couvercle comportait, tout comme lâarmoire, un espace dans lequel il y avait possibilité de glisser de menus objets ou encore des livres ou des documents. Quand il sâouvrit, il était vide à lâexception dâune vieille lettre qui en tomba et dont le sceau était resté intact. Avant de le faire sauter, je tins à ce que Marie, Justine, Marie-Louise et son époux soient présents. Ce fut donc au souper, alors que nous étions tous réunis autour de la table, que je lus cette lettre datée de lâannée 1664.
Celui ou celle qui trouvera ce mot doit savoir quâil est de la main dâArnaud Perré, maître charpentier de moulins en Nouvelle-France et auteur de lâappareil permettant de dissimuler dans ce coffre les secrets les mieux gardés. Je nâai jamais révélé à quiconque la façon de parvenir à réaliser ce genre de cachette. Mais comme je ne voulais pas disparaître en emportant avec moi mon secret, vous trouverez au revers de cette lettre, expliqué très clairement, comment parvenir à en réaliser de semblables. Puisse le tout vous être utile!
La signature de mon grand-père figurait au bas de ce message. Par cette lettre, il se manifestait à nous à plus de cent ans dâintervalle. Tout comme ce matin à lâouverture de lâarmoire, nous avions lâimpression que son fantôme se promenait autour de nous. Cette lecture nous laissa songeurs. Vraiment, cette journée nâen était pas une comme les autres. Je me souviens quâaucun de nous ne
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