Le mouton noir
mangea ce soir-là avec beaucoup dâappétit.
Chapitre 58
Ãvaluation de la fortune
Sans lâavoir cherché, nous étions devenus soudainement beaucoup plus riches. De là où il était, notre grand-père Arnaud venait de nous faire un formidable cadeau. Mais, nous nâavions aucune idée de la valeur de ce que nous possédions. Est-ce que ces pièces anciennes étaient maintenant dévaluées au point de ne plus rien valoir? Telle était ma préoccupation. Aussi, je décidai de me rendre à Montréal en emportant un spécimen de chacune de ces pièces afin de les faire évaluer par un marchand sây connaissant en ce domaine. Justine voulut bien mây accompagner. Ce fut lâoccasion de mettre ma barque à lâeau en ce début de la nouvelle saison de navigation.
à Montréal, je ne savais vraiment pas à qui mâadresser. Jâétais pourtant certain quâil y avait quelque part un marchand ou un individu en mesure de me renseigner, dâabord sur lâidentité de chacune des pièces que jâapportais et ensuite sur leur valeur actuelle. Je savais que certains sâintéressaient aux pièces anciennes. Je connaissais lâexistence de la numismatique, cette toute nouvelle science relative aux médailles et aux monnaies. Mais encore fallait-il que je retrace un spécialiste en ce domaine.
Je fis dâune pierre deux coups en me rendant chez mon gendre, ce qui nous permit de revoir notre fille Françoise, et Justine fut tout heureuse de tenir sa filleule dans ses bras. Mon gendre connaissait un marchand qui, selon lui, pourrait répondre à nos interrogations. Ce marchand logeait près du port. Quoique fort occupé, il voulut bien sâintéresser aux pièces que je lui présentai. Il commença par les identifier. Il y avait un louis dâor et un louis dâargent, comme me lâavait mentionné Marie, mais aussi un ducat, une piastre, un doublon et une pistole dâEspagne, sans compter un écu dâor de France et un sequin dâItalie.
Sâil pouvait les identifier, le marchand nâétait pas en mesure de mâen préciser la valeur. Il me conseilla de me rendre rue Notre-Dame, où un marchand de ses amis saurait me renseigner à ce sujet. Jâallai donc frapper à sa porte, confiant dâêtre ensuite en mesure de calculer le montant exact de la fortune laissée par mon grand-père. Comme je pénétrais chez ce marchand, un homme y entra en même temps que moi. Je présentai mes pièces anciennes au marchand et demandai:
â Combien mâen donneriez-vous?
Il sâempara du louis dâor et mâen offrit dix livres. Quant au louis dâargent, il lâévalua à cinq livres. Pour la pistole dâEspagne, il était prêt à me payer cinq livres, et autant pour le ducat et la piastre dâEspagne.
â Mais pardi! sâexclama lâhomme entré avec moi. Vous êtes en train dâescroquer ce pauvre monsieur! Ses pièces valent le double, voire le triple de ce que vous lui en offrez!
Je me rendis compte à son accent que cet individu était un Français.
â Câest mon prix! cracha le marchand. Sâil ne lui convient pas, quâil aille voir ailleurs!
â Voilà ce que je vais faire, dis-je.
Le Français sortit en même temps que moi. Je lui demandai ce que valaient vraiment ces pièces.
â Je lâignore, dit-il, mais câest ainsi quâil faut agir avec ce genre de marchand. Je suis certain que vous pourrez en obtenir en France le double sinon le triple de ce quâil vous offrait. Ce sont des pièces anciennes et rares qui valent certainement très cher.
Je nâétais pas plus renseigné sur ce que pouvait rapporter le trésor du grand-père, et je ne voulais pas quitter Montréal sans être fixé là -dessus. Le mieux à faire était dâentrer chez plusieurs marchands en leur demandant de me préciser la valeur de chacune des pièces que jâavais apportées. Ce que je fis. Toutefois, les écarts variaient tellement entre chaque marchand que jâen arrivai à la conclusion que pour avoir lâheure juste, il faudrait me tourner vers quelquâun dâautre. Ce fut alors seulement que je songeai à demander aux prêteurs. Les hommes pratiquant ce métier
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