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Le mouton noir

Le mouton noir

Titel: Le mouton noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Langlois
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fourrures à son insu. Qu’avez-vous à dire pour votre défense?
    â€” Rien du tout, sauf que je n’ai ni falsifié les registres ni acheté des fourrures.
    â€” Comment expliquez-vous alors que nous retrouvons votre signature au bas de ce reçu?
    â€” Quel reçu? C’est impossible, je n’ai signé aucun reçu.
    Le procureur lui tendit une feuille sur laquelle Clément reconnut en partie son écriture et sa signature: «Je certifie par la présente avoir reçu de messire Morin le nombre de trois cents peaux de castor gras et autant de castor sec. Signé Clément Perré.»
    Clément devint cramoisi de rage.
    â€” C’est un piège, monsieur le procureur. Avant de partir pour Montréal, le marchand René Bréard, qui se dit mon associé depuis un an et qui ne m’a pas encore versé un sou des deniers gagnés par nous depuis ce temps, m’a demandé de préparer des reçus et de les signer afin d’endosser les achats qu’il devait faire à Montréal. Il m’a dit: “J’ai besoin de ta signature démontrant que tu es d’accord avec les démarches et les achats que je ferai.” Si vous lisez bien ces reçus, vous constaterez que le début est de mon écriture et que le reste y a été ajouté. Il est évident qu’il s’est servi d’un de ces papiers pour m’incriminer et faire passer sur mon dos l’achat de ces fourrures de contrebande. Il avait préparé son coup depuis longtemps, voulant m’en rendre responsable au cas où quelque chose ne tournerait pas bien.
    â€” Jeune homme, j’ai du mal à croire que vous disiez la vérité. J’examinerai de près vos registres et les reçus, puis j’aviserai.
    Le lendemain, Clément était condamné à mille livres d’amende pour achat illégal de fourrures et falsification de livres de comptes. Il ne pouvait s’expliquer comment le procureur ne s’était pas rendu compte de la supercherie de Bréard. L’examen des reçus démontrait de toute évidence qu’ils avaient été trafiqués. Relâché, le marchand monta sur le vaisseau en partance pour la France. Incapable de défrayer le coût de l’amende, Clément fut condamné à rester emprisonné. Dès qu’il le put, il s’adressa au procureur en ces termes:
    â€” Comment voulez-vous que je rembourse mille livres si je reste en prison sans pouvoir travailler?
    â€” Vous n’aviez qu’à ne pas frauder.
    â€” Vous savez parfaitement bien que je ne suis pas coupable!
    â€” Cette chanson-là, je la connais. Tous les condamnés l’entonnent dès qu’ils sont en prison.
    â€” Est-ce que je passerai ma vie derrière les barreaux?
    â€” À moins que vous n’ayez quelqu’un qui se porte garant de vous et qui paye cette somme.
    â€” Pensez-vous que tout le monde possède mille livres prêtes à être mises à la disposition de la justice? Libérez-moi et je travaillerai à rembourser cette somme. Cette cause a été mal jugée. Le coupable se sauve présentement en France.
    Le procureur se fâcha:
    â€” Ne répétez jamais ce que vous venez de dire parce que je saurai bien vous le faire regretter par une peine encore plus sévère.
    Cette discussion ne l’avait avancé à rien. Clément ne voyait personne apte à défrayer le coût de son amende. Il était pris au piège et se promettait, si jamais il le croisait un jour, de régler son compte à Bréard, de même qu’à celui de ce juge de malheur assez idiot pour ne pas tenir compte de sa version des faits.
    Â«Ã€ moins…», se dit-il.
    Il n’osait pas croire qu’un juge puisse s’être laissé acheter par un marchand.

Chapitre 10
Le retour au bercail
    Clément, coincé, dut se résigner à vivre en prison, y disposant de tout le temps nécessaire pour réfléchir à sa mésaventure. Il s’était fait avoir comme un novice par ce marchand retors. Au bout de deux mois, s’apercevant qu’il passerait le reste de sa vie en prison s’il ne tentait pas quelque chose, il décida, après mûres réflexions, de mettre de côté son orgueil et d’écrire à son père.
    Québec, 22 octobre

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