Le mouton noir
générale, sinon toute la paroisse entendra parler de vous.
â Ce sera sans doute de votre part un exemple de charité chrétienne.
Voyant quâil nâaurait pas le dernier mot avec cet entêté, le curé le quitta la tête haute et le pas décidé. Le dimanche suivant, durant son sermon, il fit une sortie contre ceux qui se permettaient de ne pas faire leurs Pâques.
«Nous avons dans nos rangs un homme qui vit dans le péché depuis nombre dâannées et se permet de tenir tête à votre curé. Cet homme, dont les parents étaient des personnes fort honorables, attirera le courroux de Dieu sur lui, et du même coup sur nous. En raison du mauvais exemple quâil donne et vu son manque de repentir, sâil ne vient pas se confesser et ne fait pas ses Pâques, je lui interdirai lâentrée à lâéglise. Ai-je besoin de le nommer? Vous le connaissez tous. Il aura ce quâil mérite.»
Ces paroles vinrent aux oreilles de Justine qui en informa Clément, lequel alla trouver le curé et lui dit:
â Vous désirez me confesser, eh bien me voilà !
â Je vois que vous revenez à de meilleurs sentiments. Jâentendrai donc volontiers votre confession.
Clément sâaccusa de ne pas être un très bon chrétien puisquâil ne fréquentait guère les sacrements et quâil lui arrivait de travailler le dimanche, y étant parfois obligé pour gagner sa vie. Le curé le reprit:
â Il nây a aucune excuse qui vous autorise à travailler le dimanche. Je vois que vous nâêtes pas sincère, aussi ne comptez pas sur moi pour vous donner lâabsolution avant que jâen parle à monseigneur lâévêque.
Clément le quitta en lui disant:
â Vous nâêtes pas seul à pouvoir confesser les gens. Je mâadresserai à un prêtre à lâesprit moins obtus.
Profitant dâun transport de marchandises quâil devait faire à Montréal, il se rendit à Laprairie où il se confessa à un père jésuite du nom de Froment. Ne voulant sans doute pas entrer en conflit avec le curé de Verchères, ce jésuite reçut sa confession, mais dit à Clément:
â Je vais vous remettre un billet pour votre curé. Jây explique que vous vous êtes confessé et que si, comme vous me le promettez, vous fréquentez lâéglise le dimanche, je vous donnerai lâabsolution dans trois mois.
Clément remit le billet au curé qui lui fit dire que le dimanche suivant, il allait mentionner son nom devant tous les paroissiens, les avisant quâil nâavait pas fait ses Pâques, ce pourquoi il était exclu des prières à lâéglise, et que sâil lây voyait, il cesserait le service divin tant quâil nâen serait pas sorti.
Furieux, Clément sâadressa directement au gouverneur et à lâintendant pour quâils fassent cesser cette discrimination. Lâintendant ne mit pas de temps à faire parvenir au curé une lettre dans laquelle il lui ordonnait de remettre immédiatement un billet à Clément Perré pour que le père Froment puisse lui donner lâabsolution. Le curé écrivit à lâintendant quâil avait prévenu le père Froment et que Clément nâavait quâà se rendre se confesser à Laprairie afin dâobtenir lâabsolution de ses fautes. Clément fit le voyage jusquâà Laprairie. Le père Froment lui dit alors:
â Désolé! Le curé de Verchères ne mâa pas fait parvenir de lettreâ¦
â Vraiment? Il va avoir de mes nouvelles.
De retour à Verchères, Clément alla trouver le curé et lui dit:
â Vous êtes un fieffé menteur. Vous nâavez pas écrit au père Froment et il nâa pas pu me donner lâabsolution. Vous allez me donner le billet tel quâexigé par lâintendant.
Le curé lui donna une lettre scellée quâil devait remettre au père Froment. Clément monta dans sa barque et retourna à Laprairie afin de régler définitivement la question. Il remit la lettre au père Froment qui, lâayant lue, dit à Clément:
â Monsieur Perré, votre curé mâenjoint de ne vous donner lâabsolution sous aucun prétexte. Il me dit que vous nâêtes
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