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Le mouton noir

Le mouton noir

Titel: Le mouton noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Langlois
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au juste les attributions d’un commissaire de la Marine? Mon ami Huberdeau me renseigna sur ce sujet:
    â€” Le commissaire de la Marine n’est rien d’autre qu’un marchand qui négocie l’achat des marchandises nécessaires au roi.
    â€” Les marchandises nécessaires au roi?
    â€” Oui, toutes les fournitures pour les magasins du roi devant servir à la construction et l’entretien des maisons, des forts, des casernes et des postes avancés de la colonie, de même que des vaisseaux servant au transport de ces fournitures, et également tout ce qui concerne les besoins du gouverneur, de l’intendant et des représentants du roi au pays, de même que des soldats et autres officiers du roi.
    â€” Ce qui veut dire que le roi investit des millions au pays…
    â€” Pense seulement à ce que peut coûter en armes, en habits et en nourriture l’entretien de milliers de soldats!
    â€” Et il n’y a que Varin et Bréard qui sont autorisés à faire de tels achats?
    Je le vis esquisser un sourire qui en disait long.
    â€” À vrai dire, il ne devrait y avoir qu’eux, mais Bigot a son mot à dire dans tout cela, tout comme leurs amis Cadet et Péan. C’est, d’après moi, une clique bien organisée. Tu sais, là où il y a de la nourriture, tu risques de trouver des souris ou des rats. C’est pareil là où il y a de l’argent: tu peux être certain de trouver des rats à deux pattes qui s’y intéressent de très près.
    â€” Qu’est-ce que font Cadet, Chapeau et Péan dans le décor?
    â€” Depuis l’arrivée de Bigot, Cadet et Chapeau sont les seuls autorisés à vendre de la viande de boucherie à Québec. Ils ont en quelque sorte le monopole. L’intendant en fixe lui-même le prix. Je te laisse imaginer le genre d’abus qui peut en découler…

    Je revins au palais avec ces informations en tête. Justine m’y attendait, impatiente de me faire part de ce qu’elle avait appris de la bouche d’une servante récemment arrivée de Montréal. C’est curieux parfois comment le hasard fait les choses. Nous songeons à quelque chose le matin et voilà que le soir, par le biais d’un événement quelconque, nous trouvons réponse à ce qui nous préoccupait. J’avais grand hâte de m’entretenir avec ma fidèle Justine, toujours aussi à l’affût que moi, et tout heureuse de m’apprendre ce qu’elle avait entendu plus tôt.
    â€” Nous étions à terminer les préparatifs du dîner quand le nom du commissaire Varin fut glissé par je ne sais trop qui dans la conversation. Annabelle, notre nouvelle servante, s’empressa de chuchoter: “Je pourrais vous parler longuement au sujet de cet homme.” Nous l’avons tout de suite entourée afin de ne rien perdre de ses propos.
    Â«Je travaillais, dit-elle, chez une des bourgeoises les plus en vue de Montréal. Les hommes les plus influents de la place, le général, le gouverneur de l’île et le curé, défilaient dans sa maison. Ils venaient fréquemment y dîner. Ces messieurs nous tenaient pour rien et ne se privaient pas de parler même en notre présence quand nous faisions le service à table.
    â€” Ils ne sont guère différents de ceux de Québec, dit Marcelline. Nous ne comptons guère plus que les meubles pour eux. Pourvu que nous soyons aux petits soins avec eux.
    â€” Chut! firent les autres, laisse parler Annabelle.
    â€” Un beau jour, monsieur le juge vint dîner et raconta à notre bourgeoise que le commissaire Varin avait confié la fourniture de lard et de farine au nommé Dufy Desauniers, un des gros marchands de la place. Varin lui donna un billet à ordre pour qu’il puisse toucher ce qui lui revenait. Dufy se montra étonné du fait que cette somme était beaucoup plus élevée qu’il s’y attendait.
    â€” Voilà qui est étonnant de la part d’un marchand, dit Thérèse.
    â€” En effet, reprit Annabelle. C’est d’ailleurs ce qui me fit davantage porter attention à ce qui se disait, car, le plus souvent, leurs beaux discours, je ne les écoutais point. Mais voilà que le juge ajouta: “Dufy, qui croyait s’être trompé dans ses calculs, les

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