Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le mouton noir

Le mouton noir

Titel: Le mouton noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Langlois
Vom Netzwerk:
refit et dit au commissaire que le billet à ordre qu’il lui donnait dépassait de quatre mille livres le montant de la facture.” Le commissaire partit d’un grand rire et dit: “Empresse-toi, mon cher Dufy, d’empocher le tout sans mot dire.” Dufy s’indigna: “Je suis un honnête homme, moi, et je ne trempe point dans ces eaux troubles.”
    â€” Est-ce qu’il a touché la somme en question?
    â€” Au dire du juge, il ne pouvait faire autrement. Toutefois, il est allé porter les quatre mille livres supplémentaires sur le bureau de Varin et lui a dit de les donner aux pauvres.
    â€” Varin l’a-t-il fait?
    â€” Monsieur le juge ne le savait pas, mais il était persuadé que Varin a glissé le tout dans ses goussets.
    Justine me confia ensuite qu’après que les autres se furent retirées, Annabelle, avec qui elle a bonne amitié, lui dit: «Ce n’est pas tout ce que j’ai appris sur cet homme.» «Vraiment?» dit Justine. Annabelle lui assura que le commissaire Varin était un homme irascible qui ne contrôlait pas ses humeurs. Il faisait de si grandes colères parfois qu’il en avait la fièvre et devait se mettre au lit. Il avait aussi des querelles avec des officiers pour des questions de salaires ou de remboursements de dépenses. Il ne démordait pas de ses idées, si bien que plusieurs disaient, ce qui le rendait encore plus furieux, qu’ils allaient régler leur affaire avec l’intendant.
    Justine me dit encore qu’Annabelle lui avait raconté une anecdote qui m’a bien fait rire.
    â€” Nos gens ne sont pas si sots que ce Varin le croit. Il est, paraît-il, avec ses amis Martel et Despins, en société pour le commerce de toutes les fournitures des magasins du roi. Il détient l’exclusivité du commerce du bois de chauffage. Aussi s’est-il avisé de faire couper cinq cents cordes de bois sur une terre du sieur de Beaujeu, coupant l’herbe sous le pied des habitants. Se montrant encore plus odieux, il a fait prévenir les habitants que s’ils venaient lui vendre du bois de moins de quatre pieds de longueur, il le confisquerait. Il paye quatre livres pour une corde de bois qu’il revend neuf livres. Mais les habitants se sont bien vengés de lui: quand il a voulu faire traîner ses cinq cents cordes de bois jusqu’à Montréal, les charretiers s’y sont tous refusés. Quant au bois de moins de quatre pieds, les gens en ont fait du charbon, si bien qu’à Montréal, en raison de l’entêtement de ce Varin, il est plus difficile de se procurer une corde de bois que dix bouteilles de vin!
    Je notai précieusement tout ce que je venais d’apprendre au sujet de Varin.

Chapitre 46
Construction de deux navires
    Il m’arrivait parfois, quand j’en avais le temps, de me retrouver le long du fleuve, là où bon nombre d’ouvriers s’affairaient à la construction des vaisseaux du roi. J’aimais les voir habilement construire à partir de rien les plus beaux des navires. Il y en avait justement deux en chantier. Un midi, j’y croisai nul autre que le sieur Dufau, le contremaître du chantier que j’avais connu quelque temps plus tôt à l’auberge du Chat noir, car il m’arrivait d’aller y boire un verre. Il se montra fort heureux de notre rencontre. Je lui demandai si ces deux nouveaux vaisseaux étaient bien construits pour le roi. Après avoir jeté un coup d’œil par-dessus son épaule, l’air méfiant, il me répondit:
    â€” Entre nous, je ne suis pas assuré que ce soit pour le roi.
    â€” Pour qui donc, alors?
    Me désignant une pile de bois de mâture, il m’y entraîna et nous nous y assîmes.
    â€” Deux messieurs, commença-t-il, que je ne connaissais point et qui sont depuis repassés en France, sont venus me voir, munis d’un pli de l’intendant me disant qu’ils étaient des envoyés du roi et me priant de les accommoder au sujet de deux vaisseaux que Sa Majesté désirait faire construire sur ses chantiers. Ils m’en ont donné les plans, puis ont fait venir le secrétaire Deschenaux, porteur d’un contrat de construction en bonne et due forme.
    â€” N’as-tu pas trouvé cette façon de faire un peu particulière?
    â€” Non

Weitere Kostenlose Bücher