Le neuvième cercle
sont-ils ?
— « Kommando spécial du R.S.H.A.
— « Où étaient-ils jusqu’à présent ?
— « Dans un camp S.S.
— « Qu’y faisaient-ils ?
— « Je n’en sais pas plus. On m’a donné l’ordre de vous les remettre. »
— Et les portes du camp s’ouvrirent pour laisser passer les déportés de ce « kommando » à l’existence duquel le point final venait d’être mis.
*
* *
Après la libération d’Ebensee, les membres de l’« Entreprise Bernhard », redevenus des déportés ordinaires, se dispersent le plus rapidement possible dans les convois du retour. Ils avaient estimé plus prudent de cacher aux autres déportés, mais aussi à leurs libérateurs, le rôle qu’ils avaient joué pendant leur incarcération. Il ne semble pas que ces hommes aient eu une direction clandestine de Résistance. Aussi est-il surprenant de constater cette unanimité dans la conspiration du silence. Désir de se retrouver immédiatement chez soi en évitant les tracasseries des interrogatoires et des enquêtes conduites par les services spéciaux, américains ou britanniques ? Habitude du silence et de la clandestinité ? Complexe de culpabilité ? Trente ans après il est difficile de répondre ; mais trente ans après on peut constater que seulement une vingtaine de membres ont été retrouvés dans le monde, que la plupart ont changé de nom et que rares sont ceux qui aiment « raconter » cette période de leur vie. Il est également certain qu’au lendemain de la victoire, les « chasseurs de primes » alliés lancèrent d’immenses opérations de récupérations qui visaient les archives, les armes secrètes, les chercheurs, les spécialistes, les savants, en un mot « tout ce qui pouvait apprendre ou rapporter quelque chose ». Ces spécialistes en « faux » (il ne faut pas oublier la fabrication de passeports, papiers d’identité, etc. qui servirent aux responsables allemands de l’opération Bernhard pour disparaître) étaient-ils d’une grande utilité pour les vainqueurs ? Probablement et sans posséder la moindre preuve on peut affirmer que plusieurs déportés – librement ou forcés – reprirent du service dans le pays qui avait su les « retourner ».
Cette « conspiration du silence », le fait est plus incompréhensible, frappa le Tribunal International de Nuremberg et cependant les différents ministères publics possédaient des rapports détaillés sur l’Entreprise Bernhard (Wilhem Höttl notamment, avait été interrogé plusieurs fois, longuement, sur la genèse et le développement de l’affaire au cours de « séances de préparation »). Faut-il voir dans ce mutisme une simple requête du gouvernement britannique qui, au début de la guerre, avait imprimé des fausses cartes d’alimentation et désirait cacher cette « action aussi déloyale que l’impression de fausses livres sterling » à l’opinion publique, ou bien une volonté des Quatre Grands de ne pas entraver les recherches menées par leurs services secrets dans leurs actions de récupération ou de retournement ?
Tous ces « mystères » autour des « faux-monnayeurs » d’Oranienburg et de Mauthausen allaient donner naissance à une légende abondamment exploitée par différents organes de presse et qui, trente ans après, reste toujours aussi vivace. Curieusement, c’est Wilhem Höttl, décidément toujours présent aux carrefours importants traversés par les hommes de l’« Entreprise Bernhard », qui fut, bien involontairement, à l’origine de la découverte des faux billets par les Alliés.
— Le xcviii 3 mai 1945, j’avais passé la nuit au volant de ma voiture pour éviter, de justesse, entre Innsbruck et Salzbourg, les pointes d’avant-garde de l’armée américaine. Peu auparavant, j’avais eu un dernier entretien, sur le sol du Lichtenstein, avec le chef de la police suisse du canton de Saint-Gall, mon homme de liaison avec ces diplomates britanniques et américains qui, à l’instar du groupe de hauts fonctionnaires et hommes politiques allemands que je représentais, s’efforçaient de mettre fin à une guerre dépourvue de sens… J’avais gagné Altauss, petite station estivale très prisée du Salzkammergut qui allait bientôt connaître une célébrité foudroyante. J’y attendais le docteur Kaltenbrunner, chef de la police de sécurité et du S.D. qui, en qualité de représentant de Himmler dans ladite « région
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