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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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il est déraisonnable de sa part de s’exposer inutilement, d’autant plus que, démuni de tout, il ne peut absolument rien faire, même pas soulager leur agonie. Il reste inébranlable, nous expliquant qu’à ce moment il n’est plus le médecin, impuissant à les soulager, mais l’homme, le camarade dont la seule présence leur rend l’agonie plus douce. Il leur parle dans leur langue avec tendresse, et leur regard désespéré le cloue sur place. Il sent que sa présence les réconforte ; la faible pression de leurs mains sur les siennes c’est comme s’ils tenaient celles de ceux qu’ils aiment là-bas, bien loin dans leur village. Brave Yanouch ! Nous resterons donc tous avec toi. Vers 11 heures, fusillade et canonnade recommencent. Nous apercevons dans la nuit les feux des blancs-gardistes qui tirent de la « décharge ». Ils arrosent sans arrêt le débouché de la route et nous sommes en pleine trajectoire. Qu’ils tirent un peu court et tout est pour nous. Rien d’autre à faire que de se remettre à plat-ventre et de jeter un coup d’œil de temps en temps. Ils tirent, tirent toujours sans arrêt et sans que l’ennemi toujours invisible leur réponde. Le serpent des fuyards s’est dispersé, la route est redevenue déserte. Il semble qu’ils en profitent pour intensifier le tir. Les coups de feu partent de toutes les directions. Quelques mitrailleuses doivent être à quelques mètres seulement de nous, leur crépitement sec nous déchire les oreilles. Si, par malheur, les partisans se mettaient à leur répondre, nous n’en sortirions certainement pas vivants. Depuis combien de temps, et pour combien de temps sommes-nous encore sous les lits ? Quelle heure peut-il être ? Peut-être 15 heures ? La fusillade ralentit peu à peu ; depuis un moment elle ne donne plus que par saccades ; on dirait quelques fous qui s’amusent à tirer sans raison. Nous nous risquons vers notre observatoire et apercevons les derniers groupes de blancs-gardistes qui quittent la « décharge » en file indienne. Ils se dirigent, fusils et mitraillettes braqués en se retournant à chaque pas, vers le tunnel. Partout où portent les regards, ce ne sont que foyers d’incendie dans la montagne. Peu à peu le calme revient. Il semble que les royalistes soient définitivement partis. Ils ont voulu couvrir la retraite des leurs jusqu’au dernier convoi et interdire tout passage aux poursuivants par ces feux de barrage. Nous commençons à respirer. Mais n’allons-nous pas être maintenant la cible des partisans ? Ne vont-ils pas tirer à leur tour sur les quelques baraques qui restent, dans la pensée que des royalistes peuvent s’y être cachés ?
    — L’un des Polonais, le plus vieux, semble maintenant dans le coma. Yanouch voudrait que nous partions avec l’autre. Il pense que nous rencontrerons, en cours de route, des partisans qui nous porteront secours. Il nous coûte de le laisser seul avec le mourant. Il n’a plus aucun doute sur sa fin prochaine puisqu’il cherche un morceau de fer quelconque qui pourrait lui servir à creuser sa tombe. Dans ces conditions, nous lui suggérons de l’achever. Nous sentons en lui un drame de conscience magnifique, non pas qu’il songe une seule minute à adopter notre suggestion, mais il sait que nous ne voulons pas partir sans lui et que, ne pas profiler de cet instant d’accalmie inespéré, c’est peut-être dans quelques instants nous exposer tous de nouveau au danger dont nous venons de sortir vivants par miracle. Il finit par décider que nous devons partir avec le plus jeune des deux Polonais que nous porterons tant bien que mal sur une paillasse, et que lui nous rejoindra dans très peu de temps après qu’il aura enseveli, Dieu sait comment, le mourant. Je découvre une paillasse pour utiliser la toile comme brancard. J’y suis occupé depuis un moment quand Gaudin nous signale une charrette à chevaux qui sort du tunnel et se dirige vers Newmark. C’est le salut inattendu. En quelques secondes nous sommes prêts ; nous défonçons les barbelés pour couper au plus court. Yanouch a pris sa décision : nous emporterons le plus jeune des deux Polonais dans la toile de paillasse, et lui restera avec le plus vieux et Roger. Nous courons après la charrette et la rejoignons. Elle est conduite par deux jeunes garçons et un vieillard yougoslaves qui ne nous comprennent pas mais nous acceptent sans difficulté. Nous y hissons le jeune Polonais

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