Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
près du tapis roulant. Je jette soigneusement le sable avec une régularité de métronome. Je n’ai pas vu arriver ce S.S. qui promène la terreur à travers l’usine souterraine. Il a l’art de faire de subites apparitions. Sans relever la tête, je vois les bottes du S.S. qui s’immobilisent en face de moi. Je sens peser sur moi son regard d’assassin. Hier, il a fait éclater à coups de revolver la tête d’un Russe qu’il avait trouvé assis. Soudain, il bondit, m’arrachant la pelle des mains, il se met à m’en frapper avec toute sa rage de brute. Je ne peux esquisser tous les coups qui viennent de flanc, en faucheuse. Je roule à terre, préservant instinctivement mon ventre que le salopard cherche à atteindre. C’est l’affolement de mon sang dans mes veines, j’entends le bouillonnement terrible qu’il fait dans ma tête. Je pense que le S.S. va me tuer ; pourtant il me fait relever à coups de pied en hurlant : « Aufstehen, Aufstehen. » Je suis comme saoul.
    — Le lxvii 10 juillet au matin, comme vous l’a décrit Bernard Aldebert, je prenais le train avec André Wachlerr et nous débarquions à Saint-Georgen, la fameuse usine souterraine où les tunnels vous ont été décrits dans leur construction. Nous fûmes dirigés vers le magasin où, au bout d’un moment, un civil (plus tard nous apprîmes qu’il se nommait Jaeger ; il avait une ressemblance frappante avec l’acteur américain Buster Keaton) nous amena près d’un établi où il y avait deux étaux. Il nous fit limer chaque pan pour se rendre compte si nous étions bien mécaniciens. Étant imprimeur et mon copain jardinier, celui-ci me conseilla de ne pas mordre avec la lime, simplement polir. Au bout d’un moment, Jaeger revint, constata et nous déclara « prima ».
    — Le lendemain, affectés à son service, dans la Stalle II, il nous commanda d’enlever une poulie à gorge montée sur un porteur, pour y mettre une poulie plate. Après avoir desserré le boulon de blocage de poulie, j’essaie de faire glisser celle-ci. N’y parvenant pas à la main, je pris un marteau et, par petits coups, essayai de la débloquer. Ce qui devait arriver se produisit, un coup plus fort que l’autre et voilà un côté de la poulie qui se brisa. Le fameux Jaeger, qui se trouvait à proximité, arriva. Après les menaces, il me conduisit à l’Obermeister Holsmann, qui dirigeait le Stalle II et, après plusieurs gifles magistrales de la part des civils, je fus accusé de sabotage. Dans leur jargon, je ne comprenais que « kaput » avec le geste de la corde passée au cou. Ils me renvoyèrent. Revenu près de mon camarade, je constatais l’ampleur de ma situation. Un sous-officier de la Luftwaffe vint nous voir, il nous fit comprendre qu’il était le seul survivant d’une famille de six garçons, ses frères ayant été tués à la guerre, et qu’on l’avait placé là pour garder un échantillon de la famille. Il chercha le moyen de me tirer d’affaire en essayant de me trouver un poste de soudeur. Mais comme les ateliers étaient en train de s’équiper, rien ne fonctionnait encore. L’après-midi, nous continuâmes à monter ce moteur sur un chariot devant faire tourner un compresseur. Quand je fus de nouveau appelé devant l’Obermeister qui repartit dans ses injures. Ce sous-officier de la Luftwaffe vint nous aider l’après-midi à terminer le travail qui nous était commandé. Entre-temps, j’avais donné à André Wackleer, au cas où il s’en sortirait, l’adresse pour prévenir ma famille car, pour moi, c’était ma dernière journée. La sonnerie du soir résonna parmi les Stalles, le retour au camp se fit sans que rien ne se passe pour moi. Malgré cela, j’avoue que je n’en menais pas large. Je pensais ma dernière heure venue. J’appréhendais l’appel du soir. Eh bien ! rien ne se passa. Le lendemain, je repris le chemin de Saint-Georgen et cela pendant neuf mois, jusqu’au 3 mai 1945.
    — Je lxviii fus donc, comme technicien, expédié à Gusen II, où l’usine souterraine fonctionnait depuis plusieurs mois. Je devais assurer le contrôle à la construction d’un avion à réaction : le Messerschmidt 262 ; à peine arrivé au camp, je m’aperçus qu’il n’avait pas changé au point de vue régime des coups. J’avais été affecté au block 8 et mon entrée fut ponctuée d’un coup de matraque, car c’était l’heure de la soupe et l’on m’avait pris pour un

Weitere Kostenlose Bücher