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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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les
opposants, ces intellectuels qui invoquaient la liberté et la démocratie et qui
n’étaient que les laquais de la bourgeoisie.
    Elle l’avait vu gesticuler, entendu proférer
menaces et injures.
    Elle savait maintenant qu’il avait été un
exterminateur, comme eux tous, parce que la révolution et la guerre civile n’étaient
pas un dîner de gala, mais un abattoir.
    Et, cependant, elle avait pleuré comme si la
mort de Lénine scellait le temps des illusions, et que ce qui allait survenir
serait pire.
    Pour elle, ce futur avait pris le visage de
Trounzé, le Géorgien, cet agent de la Guépéou.
    Les prudences d’un Willy Munzer, la trouille d’un
David Piatanov annonçaient aussi ce que serait l’avenir.
    Et chaque jour qui passait avait aggravé l’angoisse
de Julia.
    Lénine était devenu
une idole. On lui construisait un mausolée. On embaumait son corps. On
organisait son culte, et chacun le célébrait. Petrograd s’appelait dorénavant
Leningrad.
    Pour une voix comme celle du poète Maïakovski
qui s’y opposait, que de discours dévots !
    Julia avait longtemps conservé dans son sac le
texte que le poète avait publié dans sa revue qui avait traîné un jour
seulement sur une des tables du bar de l’hôtel Lux :
    « Ne faites pas de Lénine une icône. Ne
le moulez pas dans le bronze. Lénine n’est pas à vendre. Ne faites pas commerce
des objets du culte ! »
    Mais on vendait son buste partout dans Moscou
et on avait placé l’un d’eux, en bronze, dans l’entrée même de l’hôtel Lux.
    En le découvrant, Willy Munzer avait, entraînant
Julia vers le bar, dit que le peuple avait besoin d’adorer et que mieux valait
qu’il célébrât le culte de Lénine que celui du tsar.
    Puis il avait chuchoté que, selon des enquêtes
réalisées par la Guépéou, le peuple craignait que le pouvoir ne tombe entre les
mains des youpins, or Trotski était l’un d’eux. Le peuple souhaitait que
Staline succède à Lénine.
    — Mais c’est déjà fait, avait ajouté
Willy Munzer.
    Accoudé au comptoir, un homme que Julia n’avait
jamais aperçu à l’hôtel Lux pérorait en français. Devinant que Willy Munzer et
Julia Garelli le comprenaient, il avait demandé qu’ils traduisent « pour
les camarades ». D’un geste, il avait montré la salle où une dizaine de
personnes étaient attablées.
    En France, disait cet homme, on compte au
moins cent mille bustes de Jaurès ; il faut que nous, communistes français,
nous réussissions à diffuser et à vendre deux fois plus de bustes de Lénine !
    Et il en faisait le serment au nom des
descendants de la grande Convention de 1792 et de la Commune de 1871. Savait-on
qu’il avait apporté de Paris un étendard rouge des communards pour qu’on en
enveloppe le cercueil de Lénine dans son mausolée ?
    Il avait levé son verre à Lénine, à Staline, à
la révolution mondiale, puis était venu s’asseoir à la table de Munzer et de
Julia Garelli.

DEUXIÈME PARTIE

13.
    Le nom de ce « camarade français »
un peu éméché que Willy Munzer et elle ont rencontré au bar de l’hôtel Lux, quelques
semaines après la mort de Lénine, Julia ne le livre pour la première fois qu’à
la fin de son journal de l’année 1926.
    Elle séjourne alors à Paris en compagnie de
Thaddeus Rosenwald qui a endossé avec jubilation l’identité de Samuel Stern, diamantaire
anversois, venu vendre aux joailliers de la place Vendôme quelques pièces
uniques, diamants de plusieurs dizaines de carats, bijoux divers que les
experts ne peuvent s’empêcher de qualifier d’« extraordinaires », de « fabuleux »,
et dont ils ne cherchent pas à connaître l’origine, se contentant d’échanger
entre eux de longs regards, de hocher la tête, puis de proposer un prix que
Thaddeus accepte le plus souvent avec une sorte d’indifférence.
    Mais Julia sait.
    La nuit, dans la chambre qu’ils occupent au
dernier étage du Lutetia, Thaddeus Rosenwald, les coudes appuyés sur la table ronde en marbre rose, le menton reposant
sur ses paumes, contemple les liasses de billets déposées devant lui.
    Il a exigé d’être payé en dollars et les
joailliers se sont exécutés, acceptant que la transaction ne laisse aucune
trace écrite.
    Thaddeus raconte une nouvelle fois à Julia
comment le bolchevik Piatnitski, chargé des fonds secrets, l’a conduit dans la
chambre forte qui se trouve au bout de l’un des souterrains du Kremlin. C’est
là qu’est

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