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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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les mots
mêmes de Piatnitski qui n’avait donc fait que répéter les termes employés par
le Secrétaire général.
    — Il faut que les Français puissent
financer leur propagande, former puis payer des permanents, avait continué
Staline. Il n’y a pas de réussite possible sans révolutionnaires professionnels.
C’est l’essentiel de l’enseignement de Lénine. Et je suis léniniste. Nous
devons tous l’être !
    Il avait ajouté que Thaddeus Rosenwald
obtiendrait les moyens dont il aurait besoin.
    — En argent, c’est le plus facile, n’est-ce
pas ? En hommes, il faut soupeser chacun avec soin. C’est un art de
précision : certains hommes rouillent vite, d’autres sont inaltérables. Mais,
souvent, mieux vaut la corrosion d’un vil métal que la pureté de l’or. Vous êtes
parfois diamantaire ? Expert, en somme… Et puis il y a les femmes…
    Et, pour la première fois, Staline avait
esquissé un sourire.
    Au Komintern, David
Piatanov s’était exécuté avec la fébrilité d’un serf qui craint le knout.
    Les passeports avaient été établis en une
journée.
    Heinz Knepper et Willy Munzer pourraient, en
fonction des besoins de Rosenwald et selon sa décision, rejoindre Paris, même s’ils
devaient continuer à agir en Allemagne.
    Et naturellement Julia Garelli – « la
Comtesse », avait répété avec ironie Piatanov – accompagnerait Thaddeus
Rosenwald ou plutôt le diamantaire Samuel Stern.

14.
    Combien de fois, en ces années 1920, ces
années 1930, Julia Garelli et Thaddeus Rosenwald se sont-ils rendus à Paris ?
    À quels moments Willy Munzer et Heinz Knepper
les ont-ils rejoints ?
    Les carnets de Julia sont imprécis, lacunaires,
et ne m’ont pas permis de répondre précisément à ces questions.
    Jamais, à lire le
journal de Julia de ces années-là, je ne l’ai sentie aussi distraite, aussi
tentée par les frivolités. Elle paresse dans sa grande chambre du dernier étage
de l’hôtel Lutetia.
    Je me suis assis sur le lit où elle a couché –
le plus souvent seule, Thaddeus Rosenwald « perdant » – « gagnant »,
corrigeait-il – ses nuits dans les bordels.
    — Profiter de la décadence, c’est le
pourboire du révolutionnaire !, dénonçait-il.
    Je me suis installé dans le salon attenant à
la chambre. Le mobilier en bois de rose n’a pas changé. Accoudé à la rambarde
du petit balcon qui surplombe le carrefour de la rue de Sèvres et du boulevard Raspail, j’ai imaginé Julia Garelli s’étirant,
titubant un peu, comme à la lisière de l’ivresse.
    Il est vrai que Rosenwald, presque chaque jour,
comme pour se faire pardonner ses absences nocturnes, commandait une ou deux
bouteilles de Champagne.
    « Thaddeus, note
Julia, veut d’abord oublier ce qu’il a vu dans la journée : taudis, banlieues,
misère, ateliers enfumés, et ces camarades qui se réunissent dans une
arrière-salle de café, qui tentent, comme ils disent, d’organiser le
prolétariat et veulent qu’il leur parle de la patrie des Soviets, de la
révolution mondiale, etc.
    Il remet quelques minces liasses de billets
pour l’impression des tracts, d’une brochure qui dénonceront “Poincaré la
Guerre”, “Poincaré l’homme qu’on ne voit que dans les temps de malheur”, et
exalteront l’union des classes ouvrières française et allemande contre leurs
bourgeoisies qui rêvent de les faire s’entr’égorger à nouveau.
    Thaddeus rentre. Il boit pour effacer les
vices de sa nuit, ces filles dont il n’ose pas me parler mais dont le souvenir
le hante.
    Il feint même de célébrer chaque jour passé
sans tragédie comme une grande victoire.
    — Être vivant un jour de plus, pouvoir
boire et jouir, voilà l’éternité, voilà la vraie, l’unique révolution !
    Il esquisse un pas de danse, grimace comme un
clown, et tout à coup son visage se ferme, des rides se creusent autour de sa
bouche.
    Il pousse vers moi un livre à couverture brune
paru il y a deux mois en Allemagne et que Willy Munzer vient de lui remettre. Il
voudrait que je lise ce livre dont le titre seul, Mein Kampf, m’inquiète.
    « Rosenwald a
demandé à Heinz et à Willy d’enquêter sur l’auteur dont il me rappelle que nous
l’avons vu à Munich dans le hall de l’hôtel
Prinz Eugen, un jour de novembre 1923, après l’échec d’une tentative de putsch.
Il y avait des blessés allongés sur les tapis et Adolf Hitler affalé dans un
fauteuil.
    Heinz est arrivé. Il m’embrasse

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