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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de cette
pensée, j’ai voulu comprendre les raisons de son silence.
    Elle m’avait dit, quelques
jours avant sa mort :
    — Prenez la vérité pour horizon, David, que
rien ne vous arrête, ne nous trahissez pas, nous qui sommes morts !
    Or j’étais désormais persuadé que c’était moi
qu’elle avait trahi en ne m’interrogeant pas d’abord sur cette homonymie qu’elle
n’avait pu que remarquer, qui avait dû la frapper, peut-être l’inquiéter
puisque, si souvent – je l’ai vérifié depuis lors – entre 1926 et 1937, puis à
nouveau entre 1946 et 1949, elle mentionne ce nom de Berger dans ses carnets
successifs.
    Or, au contraire, elle avait feint d’entendre
pour la première fois mon nom, elle l’avait répété comme pour s’y accoutumer. Elle
s’était même étonnée qu’il s’agisse là d’un nom français. Elle était persuadée
que ce patronyme était germanique. Et elle l’avait prononcé à l’allemande.
    En même temps, j’avais été troublé par la
façon dont elle le murmurait comme si j’avais été bien autre chose que l’auteur
des Prêtres de Moloch venu lui présenter ce roman sur l’ubiquité du Mal,
solliciter d’elle peut-être un avant-propos, en tout cas l’autorisation de le
lui dédier.
    Elle avait même dit :
    — Je ne sais qui vous envoie, David
Berger… David Berger…
    Je m’étais rengorgé.
    J’avais voulu montrer à Julia Garelli-Knepper
que j’étais lié, moi aussi, à cette grande histoire tragique qui l’avait
emportée.
    Et j’avais commencé à lui décrire mon roman
familial, qui était un petit paragraphe de la rouge et sanglante épopée du
communisme.
    Mon père, Maurice Berger, instituteur dans son
village du Têt, à quelques kilomètres de Vaison-la-Romaine, avait animé toute
sa vie une cellule communiste. Il était mort en 1985 à soixante ans, sans
ajouter une virgule à ses convictions, ni corriger cette dictée jamais modifiée,
sans fin recommencée.
    J’avais été tenté d’évoquer la figure
tutélaire d’Alfred Berger qui vivait en solitaire, refusant de nous rencontrer,
mon père et moi, son petit-fils.
    Durant toute mon enfance il avait été le
grand-père mystérieux, le héros, celui dont mon père parlait avec une sorte de
terreur respectueuse.
    On disait Lui, et c’était avec un L
majuscule.
    Lui, Alfred Berger, avait été l’un de ces
hommes qu’une seule et noble idée habite. Lui, un mystique, avait vécu à Moscou,
avait commandé l’un des maquis du mont Ventoux, et Lui était décoré de la
Légion d’honneur à titre militaire.
    Et Lui, nous méprisait.
    — C’est un héros, il ne respecte que les
héros, disait mon père. Pour Lui, je ne suis qu’un pleutre qu’il a poussé à
prendre le maquis en 1943, j’avais dix-huit ans, à coups de pieds au cul. Quand
j’ai pris ma carte au Parti, il ne m’a même pas adressé un mot. C’est un grand,
nous sommes des petits. Mais Lénine et Staline n’avaient pas cette indifférence,
ce mépris pour les simples militants. Et je suis son fils. Mais Lui, il ne vit
qu’avec lui-même.
    Je n’avais rien pu dire de tout cela à Julia
Garelli-Knepper. À peine avais-je commencé à lui parler de Maurice Berger, l’instituteur,
mon père, qu’elle m’avait interrompu d’un geste impatient.
    — C’est vous, qui m’intéressez, m’avait-elle
dit. Gardez pour vous vos histoires.
    C’était sans appel.
    Je lui reprochais de m’avoir ainsi fait croire
que c’était à mes seules qualités que je devais de l’avoir conquise, décidée en
quelques heures à me confier l’administration de sa Fondation, l’inventaire de
ses archives, le droit d’en user comme je l’entendais dès lors que j’en
respectais la lettre et l’esprit.
    Cette confiance qu’elle m’accordait, cette
porte qu’elle ouvrait devant moi, ce changement de vie qu’elle m’offrait – et j’en
avais été ébloui –, elle m’avait dissimulé que je les devais, j’en suis aujourd’hui
persuadé, à Alfred Berger, mon grand-père, qui avait été son ennemi, qui avait
peut-être tenté de la faire assassiner.
    En me recrutant, elle remportait sur Alfred
Berger une victoire absolue.
    Je devenais un transfuge, je passais dans son
camp !
    Belle, théâtrale et
légitime vengeance posthume, car mon grand-père était mort en 1989, peu de
temps après que je me fus rendu chez Julia Garelli-Knepper. Et naturellement il
avait ignoré que je changeais de vie,

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