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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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cacher ce que
mon père avait pensé.
    J’ai envié Tito
Cerato de parler ainsi de son père et je me suis reproché d’avoir rejeté le
mien, de n’avoir pas su déchiffrer ce que cachait son obstination à croire
jusqu’au bout au Grand Mensonge qu’avait été la politique communiste. Il avait
toujours manifesté une fidélité admirative, un respect filial absolu pour son
propre père, cet Alfred Berger qui l’avait ignoré, mais dont il avait défendu
pied à pied l’action et sur lequel, religieusement, il avait accumulé notes et
documents, témoignages, qu’il m’avait légués dans le « cercueil de mes
ancêtres ».
    Peut-être, en croyant aller au bout de la
vérité, en arrachant les masques, avais-je abouti à échafauder un autre
mensonge, celui qui ne voyait plus que la perversion, le cynisme, la barbarie
là où des hommes comme Aldo Cerato ou mon propre père, l’instituteur résistant
Maurice Berger, avaient, avec générosité, sans aucun calcul, sans profit ni en
argent, ni en pouvoir, fait don de leur vie.
    J’ai rouvert la
boîte métallique, le « cercueil de mes ancêtres ». J’ai repris les
cahiers d’écolier que mon père avait remplis de son écriture d’instituteur
violette et régulière, modeste et appliquée.
    « Alfred Berger est un enfant trouvé »,
avait-il écrit à la première ligne du premier cahier.
    Et à la dernière page du dernier cahier, alors
que sa calligraphie devenait plus incertaine, il avait, en lettres majuscules
titré :
    « Le Nouveau
Crève-cœur »,
    puis copié, comme un
élève dans son « cahier de poésie » les vers d’Aragon que j’avais
tant de fois récités :
    « C’est déjà
bien assez de pouvoir un moment
    Ébranler de l’épaule à sa faible manière
    La roue énorme de l’Histoire dans l’ornière
[…]
    L’espoir heureusement tient d’autres dans
les fers… »
    Ce « Nouveau
Crève-cœur » me rappelait que la vérité humaine du XX e siècle n’était pas seulement la trahison, la servilité, le cynisme d’Alfred
Berger, mais aussi la souffrance pleine d’espérance et le courage d’Aldo Cerato,
de François et Henri Ripert.
    Et qu’il me fallait reconnaître et nommer mon
père, Maurice Berger, instituteur au Têt, aveuglé, abêti par sa foi et en même
temps grandi par elle !
    Il n’était pas donné à chacun d’entre nous d’être
de pur diamant, comme l’avait été Julia Garelli-Knepper.

TROISIÈME PARTIE

28.
    J’ai retrouvé Julia Garelli-Knepper à Moscou
au début du mois de décembre 1937.
    Dans le sanctuaire des archives, j’ai replacé
ses carnets de notes au centre de la table et j’ai repris ma lecture.
    J’avais besoin d’entendre sa voix, de m’assurer
de sa fidélité à Heinz Knepper dont elle tentait de retrouver la trace, allant
d’une prison à l’autre, de la Loubianka à Lefortovo, de Sokolniki à Boutirki. Parfois,
on acceptait la lettre, les quelques vivres qu’elle lui destinait, mais le plus
souvent on les repoussait avec dédain. On ne savait pas. On ne connaissait pas
ce Heinz Knepper, cet étranger. On la renvoyait d’un geste menaçant et
méprisant. Elle était elle aussi suspecte, puisqu’elle avait vécu avec cet
Allemand que le pouvoir soviétique avait décidé d’empêcher de nuire à la patrie
du socialisme.
    Elle regagnait l’hôtel
Lux. Mais le commandant Gourevitch l’avait reléguée dans une cave de l’hôtel en
compagnie de Vera Kaminski et de la petite Maria. Les épouses et les enfants de
traîtres devaient eux aussi être châtiés.
Sept à huit ans de déportation pour les épouses, et pour les enfants l’orphelinat,
mais ceux qui avaient plus de douze ans pouvaient être condamnés à mort.
    Il – Lui – l’avait
décidé.
    C’était Vera Kaminski qui le prétendait.
    Elle pleurait chaque
nuit silencieusement en se blottissant contre Julia. Elle murmurait :
    — Lech est mort. Ils vont me prendre
Maria. Mais si, mais si, je le sais ! Ne rêve pas, Julia, ils ont tué
Heinz. La prison de la Loubianka, on l’appelle le « hachoir à viande ».
Et la viande, ce sont les nôtres, Lech Kaminski, Heinz Knepper, les meilleurs, le
mien et le tien, l’honneur des partis communistes allemand et polonais. Il est
fou !
    Il, Lui, c’était
Staline, mais ni Vera ni Julia ne le nommaient.
    « Est-ce Lui
qui décide, écrit Julia, Lui qui pointe les noms sur les listes qu’on lui
soumet ? A-t-il dit à Iejov, ce nabot sanguinaire

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