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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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qui dirige le NKVD :
“Frappez, exterminez sans trier” ? Vera en est sûre. Mais d’autres se
refusent à l’imaginer.
    J’ai rencontré au milieu des congères qui
transforment la place Rouge en une succession de mamelons blancs, de vagues
figées, Vassili Bauman qui gesticule en me voyant. Il regarde autour de lui
comme pour s’assurer que personne ne nous observe, s’approche et me dit, les
yeux fixes :
    — Il m’a téléphoné, cette nuit. Il m’a
dit : “Continue à écrire, Vassili, ne te soucie de rien, le peuple un jour
te lira.” Tu entends, Julia ? Voilà ce qu’il m’a dit de sa voix enrouée. Si
seulement j’avais osé Lui parler, mais je n’en ai pas eu le temps. On Lui cache
tout. On arrête, on déporte, on tue en Son nom. Mais Il ne sait rien ! »
    Vassili Bauman s’est enfui à grandes enjambées,
courant presque, et Julia est restée seule sur la grand-place, comme une
naufragée. Puis, tout à coup, elle s’est élancée. Elle devait Lui écrire, Lui
demander, à Lui, ce qu’étaient devenus Heinz Knepper et Lech Kaminski, deux
bolcheviks qui avaient voué leur existence à la cause révolutionnaire.
    « Heinz vit, avait noté Julia dans son
carnet. Si je cessais de le croire, je le condamnerais. »
    Et elle a alors écrit à l’homme dont on n’osait
prononcer le nom.

29.
    « Julia, je t’en supplie, ne Lui écris
pas ! », avait crié Vera Kaminski.
    Elle avait saisi les mains de Julia, les
serrait, les embrassait. Peut-être avait-on oublié, là-bas, dans sa caverne, que
Heinz Knepper et Lech Kaminski avaient des épouses, mais, dès qu’il recevrait
la lettre de Julia, Il la transmettrait à Iejov, le nabot, Il s’étonnerait qu’on
eût laissé libres ces deux femmes, cette petite fille, et dans les heures qui
suivraient les agents des « Organes » viendraient s’emparer d’elles.
    Non, que Julia ne Lui écrive pas, qu’elle ne
mentionne pas le nom de Lech Kaminski, avait répété Vera, puis elle avait
sangloté. Et même si Julia écrivait en ne citant que le nom de Heinz Knepper, cela
suffirait pour que la foudre frappe toutes les épouses qu’on n’avait pas encore
arrêtées.
    Vera s’était redressée, avait encore insisté, criant
que Julia n’avait pas le droit de les mettre ainsi toutes en danger.
    Car comment pouvait-elle croire qu’il ne
savait pas ? Il était à l’origine de tout ce qui survenait, des tortures
qu’on infligeait dans les caves de la
Loubianka, et on frappait si fort sur la tête des prisonniers que leurs yeux
jaillissaient des orbites.
    Savait-elle qu’on avait construit un « abattoir
spécial », rue Varsanofevski ? Le sol y était incliné pour que le
sang s’écoule vers un pan de mur en rondins prévu pour que le bois l’absorbe. Puis
on jetait les corps dans des boîtes métalliques et on procédait à leur
crémation au cimetière de Donskoï, avant de disperser leurs cendres.
    Mais Iejov avait fait extraire au préalable
des crânes de Zinoviev et Kamenev les balles avec lesquelles on les avait
abattus.
    Julia avait
brutalement repoussé Vera et l’avait fixée, le visage fermé, hostile, soupçonneux.
    Comment savait-elle tout cela ?
    — Je le sais, avait répondu Vera en
baissant la tête.
    Il aimait les cantatrices, avait-elle poursuivi,
celles dotées d’une forte poitrine, qui ressemblaient à des paysannes russes au
nez retroussé, aux yeux bleus et aux cheveux blonds.
    Vera s’était redressée, avait mis ses mains
sur ses hanches. Autrefois, elle chantait au Théâtre des Arts de Moscou et Il
venait l’écouter plusieurs fois par semaine. Il s’installait dans la loge du
Politburo, l’ancienne loge impériale, et Il lui avait un jour téléphoné :
« J’apprends que vous vous déplacez à pied, avait-il dit. Je vous envoie
une voiture. »
    Durant quelques semaines, elle avait fait
partie de son entourage. Elle avait vu. Elle avait écouté. Elle avait été
terrorisée comme si elle avait tout à coup été précipitée dans une caverne
infernale au centre de laquelle, les yeux plissés, enveloppé par la fumée de sa
pipe, se tenait l’homme qu’on n’osait pas nommer, le Chef suprême.
    Il examinait avec des mimiques de paysan madré
les listes de noms, et elle avait appris que lorsqu’il disait qu’il fallait
appliquer à tous ceux-là « le degré suprême du châtiment », ou bien
entamer le « gros œuvre », cela signifiait qu’on allait exécuter

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