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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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des
centaines, des milliers d’hommes, comme si le but était d’exterminer tous ceux
qui pouvaient résister à cette folie, quels qu’ils fussent, généraux ou
dirigeants du Parti, et même des membres de sa propre famille.
    — Depuis que sa femme s’est suicidée, Il
mâchonne la mort, la serre entre ses dents, comme sa pipe.
    L’image était si inattendue que Julia avait ri
nerveusement et elle n’avait pu maîtriser le tremblement qui l’avait saisie.
    Elle aurait voulu
que Vera cesse de parler, de raconter comme elle avait été chassée de la « caverne »,
quand Il avait appris qu’elle aimait ce Polonais – peut-être ce Juif – de Lech
Kaminski.
    Les chiens qui gardaient la caverne, Vlassik
et Poskrebychev, prêts sur un regard à se coucher ou à se jeter à la gorge d’un
visiteur, avaient simplement dit à Vera : « Il ne veut plus te voir, disparais
et tais-toi. »
    —  Depuis, avait
raconté Vera, j’ai eu l’impression d’être un cadavre ambulant, et si je n’avais
pas eu Maria, je me serais suicidée comme sa femme, comme tant d’autres, jusqu’à
l’épouse de Iejov, mais il y avait ma petite fille, et puis Lech dont j’ai cru
qu’on le jugerait utile à la cause révolutionnaire, qu’on ne pourrait le
frapper. Mais, une nuit, tu le sais, quand a commencé le temps des
dénonciations, des exterminations, ils sont venus et l’ont pris.
    Elle avait de nouveau étreint les mains de
Julia, l’implorant de ne pas Lui écrire.
    Julia avait hésité, contrainte
chaque nuit, dès que Maria s’était endormie, d’écouter les confidences de Vera
Kaminski qui parlait comme on vomit, sans pouvoir s’en empêcher, par un
soubresaut de tout le corps.
    — Quand ils ont arrêté le maréchal
Toukhatchevski, murmurait-elle, il a dit que c’était un serpent, qu’il savait
qu’il y avait une conspiration dans l’armée, que le maréchal était devenu un
espion des Allemands, et, pour ce traître, cette crapule, cette merde, il n’y
avait qu’un seul châtiment possible : la mort.
    Vera se taisait quelques minutes, puis, tout à
coup, comme si sa bouche se remplissait de mots, elle reprenait :
    — Je ne voulais pas entendre. Je ne
voulais pas savoir. Je feignais de somnoler sur l’un des divans, car Il refuse
de dormir dans un lit. Il lui faut une couche dure et étroite comme un lit de
camp, un lit de prêtre dans un séminaire. Mais j’entendais malgré moi. Il
disait, et j’en tremblais : “Plus les dents sont acérées, mieux c’est.” Il
demandait à voir les bordereaux d’exécution, ou bien le Guide de la torture que le Politburo avait approuvé.
    Julia la voyait se tasser, rentrer la tête
dans ses épaules.
    — J’étais terrorisée, je savais qu’il
pouvait, d’un battement de paupières, me condamner, et, suivant l’humeur, Il
déciderait que je devais être torturée, ou abattue d’une balle dans la nuque, ou
empoisonnée. Ou, mieux encore, Il pouvait ordonner à un médecin de me faire
mourir d’un arrêt du cœur, et peut-être aurait-il suivi mon cercueil, et tous
les témoins auraient été émus par son geste, si inattendu de la part du Chef
suprême, osant marquer son affection pour une soprano qui ne chantait plus au
Théâtre des Arts… Et tu veux Lui écrire !
    Julia n’avait pas
renoncé, il lui semblait même au contraire que tout ce que Vera lui rapportait,
au lieu de l’inciter au silence, renforçait son désir de s’adresser à Lui.
    Elle ne pouvait imaginer qu’il ne se
souviendrait pas d’elle, de la mission qu’en 1934 il lui avait confiée, et Il s’était
montré satisfait des résultats qu’elle avait obtenus, de sa liaison à Venise
avec Karl von Kleist, cet aide de camp de Hitler. Avant cela, elle avait été à
Rapallo, avec Heinz Knepper, elle avait établi des relations plus qu’amicales avec le colonel von Weibnitz, et Il
savait combien cette intimité avec les Allemands avait favorisé la coopération
militaire entre les deux pays.
    Il ne pouvait avoir oublié cela.
    Il avait même évoqué l’éventualité de lui
confier d’autres missions.
    Julia s’était persuadée qu’elle ne s’exposerait
pas davantage en Lui écrivant qu’en restant terrée avec Vera et Maria Kaminski
dans une cave de l’hôtel Lux.
    Peut-être au contraire pourrait-elle, par
cette démarche, sauver Heinz Knepper et se sauver, elle ?
    Elle Lui avait donc écrit.

30.
    Il avait téléphoné au milieu de la nuit.
    Il

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