Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
barres et, jouant avec l’embouchure, amena le cheval à céder aux ganaches et mâcher un frein 209 imaginaire.
    – Ah ! La la, mon compère. Demain, nous irons galoper notre soûl !
    Ils partiraient lentement vers la mer. Quand il serait complètement rassuré sur l’état de son coursier, ils iraient piéter sur la grande lande entre Saint-Malo et Montsurvent. De la belle herbe. Aucune motte de terre dure, pas même des taupinières, ces furoncles de la terre. Au retour, ils traverseraient un champ où régnait un chêne solitaire avant de longer une haie de ronciers en lisière d’une forêt où Argouges et son père avaient naguère secouru Jean de Montfort pourchassé par les mercenaires de Richard de Blainville. Alors apparaîtrait la ruine d’une tour ou d’un moulin. Ils prendraient le galop pour arriver à Gratot et feraient résonner le pont si fort que l’eau, dessous, réveillée dans son sommeil, frémirait comme sous un souffle.
    – Messire, faut avancer.
    Paindorge avait raison. Comme toujours.
    Après avoir libéré Alcazar de sa longe et du piquet, Tristan remonta sur Malaquin. Il ne fut pas surpris de voir les chevaux et Carbonelle les accompagner du regard tandis qu’Alcazar le suivait d’aussi près que possible.
    – La famille se reconstitue. Pas vrai, Robert ?
    – Il était temps, grand temps, répondit l’écuyer.
    *
    Assis côte à côte sur le parapet de la chaussée accédant au pont-levis, les jambes au-dessus de la douve, Lemosquet et Lebaudy jetaient des cailloux dans l’eau. D’aussi loin qu’il les aperçut, ce remède absurde à l’oisiveté inquiéta Tristan :
    – Eh bien, s’exclama-t-il, en voilà deux qui ne s’en font pas !
    Paindorge, soucieux, ne sut que dire.
    Le sabotement des fers sur les graviers jonchés d’une herbe qu’il eût fallu tondre ou extirper interrompit l’occupation des deux compères. Ils bondirent et s’empressèrent à la rencontre de ceux dont sans doute ils n’espéraient plus la venue.
    – Messire !… Quel soulagement !
    – Paindorge !… Te voilà enfin, malandrin !
    La joie qui se reflétait dans leurs yeux ne trouvait point d’équivalent sur leurs bouches. Une sorte d’amertume tirait leurs traits vers le bas. Touché par l’humble empressement de leur accueil, Tristan, de nouveau, quitta sa selle. Cette fois, son écuyer l’imita.
    – Vous pouvez pas savoir… commença Lebaudy.
    – Prends ton temps, Girard ! l’adjura Lemosquet.
    – Que s’est-il donc passé, Yvain, qui te fait un visage funèbre ?
    – Ben, messire, c’est difficile à dire…
    Tristan remarqua les épées des deux soudoyers posées sur le parapet. Nues. Il y avait aussi deux arcs et deux carquois pleins allongés sur le sol.
    – Que craignez-vous ? dit-il, le cœur soudain pincé. Nous avons chevauché sans nulle malencontre.
    – Êtes-vous menacés ? demanda Paindorge.
    Lebaudy parut choisir des mots dans sa claire et loyale cervelle. Tristan eut un pressentiment :
    –  Parlez ! Ne craignez point de nous doulouser 210 .
    – La menace est passée, dit enfin Lemosquet. Vaut mieux que vous le sachiez maintenant : cette menace était mauvaise. Nul ne pouvait y résister. C’est du moins ce qu’on nous a dit à Coutances.
    Lemosquet, désormais, hésitait à poursuivre. Saisi d’un respect inhabituel, Lebaudy ôta son chaperon pour révéler :
    – Quand on est arrivés, le 23 mai de l’an dernier sans avoir connu d’ennuis en chemin, il n’y avait plus personne… Plus personne de vivant.
    Tristan sentit sa peau exsuder des rigoles. Il osa inférer du pire :
    – Tous anéantis ?… Mon épouse ?… Tiercelet et Thierry ?… Les autres ?
    – Ils étaient peu nombreux. Les routiers – des Navarrais et on ne sait trop qui d’autre ; Bretons, Gascons, Goddons – étaient au moins deux cents… Un assaut de toutes parts après qu’ils sont passés par la louve en noant 211 . Nous, on est revenus trois semaines après cette envaye (399) .
    –  Même si on avait été présents, s’empressa Lebaudy, on n’aurait pu rien faire d’autre que deux morts de plus. Ces fils de putes ne se sont pas embarrassés d’otages. Tue ! Tue ! Tue !… C’est des gens de Saint-Malo qui ont ensépulturé les corps.
    C’était une de ces révélations dont la véracité vous accable avant que l’esprit, qui les a pourtant acceptées, ne se refuse à les admettre. Tristan contesta cette vérité-là tout

Weitere Kostenlose Bücher