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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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naturelles qui rapprochaient les êtres différents. Il n’était pas certain de s’être fourvoyé. Ce dont il était sûr c’était que depuis quelques jours, peut-être deux semaines, il s’était senti quitte comme aux échecs : incapable de bouger sans se perdre 206 .
    Son regard tout à coup surprit Richard qui, à grands pas, se dirigeait vers le donjon, vers le tinel, vers le coffret.
    « C’est un hypocrite, un glouton. S’il devient leur chef, il les mènera à leur perte ! »
    Il se jucha en selle et Malaquin dansa de plaisir bien qu’il sentît que John, lié à son sort par une longe, serait de la chevauchée.
    – Es-tu de nouveau prêt, Robert, à traveller 207  ?
    – Oh ! oui…
    Tristan essaya de fournir à l’écuyer un visage apaisé. Il lui sourit même quand, après avoir franchi le pont-levis, il le laissa le précéder ainsi que la mule sur la pente qui menait au hameau.
    – Nous passerons par Excideuil. Tu entreras en ville. Il faut acheter du vin et des vitailles, du pain, du bacon…
    – Après Excideuil, ce sera ?
    – Thiviers. Là, nous aviserons car il se peut que la contrée soit infestée de routiers.
    Tristan tapota Teresa comme pour la rassurer autant qu’elle le rassurait.
    – Pourvu que nous arrivions à temps !
    Ce souhait exprimé à voix haute décontenança Paindorge.
    – Merdaille de merde ! grogna-t-il. Je vous ai adjuré moult fois de partir. Vous avez refusé. Maintenant, vous avez des fourmis dans le cœur et la cervelle ! J’ai presque envie de dire : «  Bien fait pour vous ! » … Et voilà : je l’ai dit.
    Ils atteignirent le chemin enténébré par des pins, des chênes et des fayards qui serpentait vers Coulaures, puis Excideuil. Ils s’y engagèrent sans se parler. Le crépitement des fers sur les cailloux et les graviers devint une espèce de musique triste. À leur convenance.

 
     
     
     
     
     
     
     
DEUXIÈME PARTIE
 
 
LA LOI DU SEIGNEUR

I
     
     
     
    Sous un soleil brumeux, mélancolique et bas, quelques roncins paissaient à l’attache dans une prairie que des mouettes fleurissaient de leur présence. Parmi eux, un coursier à la robe blanche leva la tête. Un instant, ses naseaux cessèrent de fumer. Il hennit avec vigueur, secoua sa crinière échevelée, fit une ruade, une cabrade ensuite desquelles, tirant sur sa longe, il déterra son piquet. Alors, libre et joyeux, il galopa vers les deux compagnons, leurs chevaux et leur mule.
    – Alcazar ! dit Tristan. Il nous a reconnus.
    – À moins qu’il n’ait surtout reconnu Malaquin.
    – Soit… Il n’empêche qu’il s’agit là d’un bel et bon accueil. Nestor est présent, lui aussi… et Babiéca et Coursan…
    – C’est donc que Lebaudy et Lemosquet sont à Gratot. Tiens, là-bas, j’aperçois Carbonelle, notre bonne fille de somme.
    Tristan mit pied à terre. En quatre ou cinq foulées légères, Alcazar fut devant lui, sa longue queue battant ses cuisses avec une ardeur dont Paindorge s’ébaudit.
    – Toujours beau !… Im me fait penser, messire, à ce grand jour de neige pure que le ciel nous offrit à Thiviers.
    – Il me fait penser à un ami que je croyais à jamais perdu… et que j’aurais pleuré si je n’avais craint d’encourir tes gailles 208  !
    Tristan caressait la tiède encolure du coursier dont, depuis Nâjera, il n’avait cessé de regretter la disparition. En abandonnant la bataille avant qu’elle ne s’engageât pour tourner à la déconfiture, Lebaudy et Lemosquet s’étaient conformés à sa volonté. Tout en préservant leurs vies, ils avaient sauvé les chevaux et la mule. Comment avaient-ils fait pour regagner la Normandie ? Allons, bon : voilà qu’une impatience extrême lui mettait en charpie l’esprit et les entrailles.
    – J’avais raison de leur faire confiance. Hein, Robert ?
    – Je n’ai jamais douté de leur féauté.
    Tristan n’osait quitter Alcazar.
    – Inchangé ! Il a toujours son poil d’hiver, mais on en douterait tant il est doux.
    Impassible, Alcazar subissait l’examen dont il était l’objet. Son gros œil enchâssé dans des cils blancs et longs brillait, une larme d’or en son milieu. Sa crinière épaisse, d’une blondeur de givre au soleil, avait été entretenue et peignée depuis peu. Tristan passa sa dextre sous l’encolure, comme il l’eût fait pour brider. Doucement, il pesa sur le chanfrein, glissa l’index à la commissure des lèvres, chercha les

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