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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’était-il dit. «  Elle se hâtera même. » Contrairement à ses espérances, ne l’avait-il ni emboisée ni subvertie 61  ? S’étaient-ils l’un et l’autre abusés sur leurs sentiments ? L’éloignement privant de leur contenu les verbes et les regards, et révélant la qualité des attirances, ne l’apercevrait-il qu’aux abords du champ clos ? Elle occuperait, parmi la damerie, une place privilégiée contiguë à celle de la belle Jeanne… à moins que celle-ci ne fut contrainte de côtoyer son époux sur l’échafaud réservé à la noblesse.
    Sitôt levé, il toucha ses paupières gonflées, ses joues râpeuses et ses reins sur lesquels semblait peser le troussequin de sa selle. Non, vraiment, l’avenir s’annonçait lugubre. Il bâilla si fort qu’il éveilla Paindorge.
    – Tu vas me rère 62 et j’en ferai autant pour toi. Une fois lavés et vêtus, nous sellerons les chevaux et sortirons pour leur donner du mouvement sur la rive de la Garonne… Nous irons voir la lice… Elle doit être close à présent.
    L’écuyer ne répondit pas. Une maussaderie le gagnait. Pourtant, la veille, il s’était montré hardi, entreprenant et quasiment infatigable dans les affrontements au terme desquels leurs épées à demi-brisées n’étaient bonnes qu’à cuire leur repas.
    – Close ou déclose, dit-il, je ne tiens guère à voir cette prairie. Il sera bien temps dimanche.
    – Tu m’attendras tandis que j’en ferai le tour.
    Aylward les dissuada d’apprêter leurs chevaux. Comme ils lui exprimaient leur stupéfaction et leur déplaisir, le palefrenier les invita à le suivre au galetas de l’écurie. Entre deux affenoirs s’ouvrait une lucarne.
    – La rue, dit-il, l’index baissé.
    Tristan se pencha. Son dépit se traduisit par un grognement et un juron : quatre vougiers veillaient devant la porte. Ils n’étaient point à Calveley.
    – Vois, Robert. Nous voilà, comme deux joyaux, mis sous séquestre.
    L’écuyer obéit puis se releva.
    – Merdaille, dit-il simplement.
    – Le prince ne tient pas à nous perdre. Nous sommes pourtant des hommes d’honneur et de parole, et Calveley nous avait promis l’aisance de nos mouvements !
    À quoi bon revenir sur un récent passé. Ils redescendirent. Il fallait absolument que les chevaux fussent aptes à courir des lances, eux aussi, et pour cela qu’ils, pussent alternativement galoper, trotter, ambler, marcher. Les dimensions du jardin empêchaient tout exercice équestre.
    – Je ne dispose d’aucune lance pour m’accoutumer à sa lourdeur, enragea Tristan, qui prit pour siège un des montoirs au seuil de l’écurie. Que fait Calveley ? Où est-il ? S’est-il désintéressé de notre sort ?
    Ces joutes s’annonçaient pour lui sous de défavorables auspices. Quant au pas d’armes, il savait qu’il leur faudrait une force quasiment surhumaine pour qu’ils sortissent, Paindorge et lui, sains et saufs de cette guerre en réduction.
    – Le pas d’armes, dit-il, les coudes aux genoux et les mains à plat sur ses joues, je l’entreprendrai avec des forces amoindries par les joutes… si je survis à celles-ci !
    La venue de Calveley apaisa son courroux. Le géant avait dû s’absenter tout un jour. Il n’en dit pas davantage mais révéla sans ambages aux deux hommes que don Henri de Trastamare s’apprêtait à revenir en Espagne pour reprendre à Pèdre son trône. Après une conférence tenue à Aigues-Mortes avec le duc d’Anjou et le cardinal de Boulogne, assuré de l’aide de Charles V et du Pape et pourvu par eux d’une fortune en or et argent, il venait de rassembler une armée de quatre cents lances composée de Castillans, Français, Aragonais commandée par le Bâtard de Béarn, le comte d’Osuma et quelqu’un d’autre (361) .
    –  Qui ? demanda Tristan. Pourquoi me tais-tu son nom ?
    – Tu y tiens ? Le voilà : le Bègue de Villaines 63 .
    Paindorge cracha dans l’herbe. Tristan exprima sa déception par un soupir long et profond.
    –  Hé ! fit l’Anglais. Ne vous courroucez pas : Villaines, paraît-il, a payé sa rançon.
    – Si vélocement ? Allons donc !… Il a fait une promesse qu’il ne tiendra pas… À moins que le roi Charles n’ait payé à sa place.
    – C’est ce qu’on dit.
    – Le Bègue est vieux. C’est ce qui m’ennuie.
    Et Tristan d’ajouter aussitôt :
    – Arnoul d’Audrehem est-il libre ?
    – Pas encore. Il négocie… Il a demandé,

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