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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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courront contre toi que pour complaire au prince. Je réprouve ce zèle et c’est pourquoi je serai dans ton camp… sous prétexte de te surveiller. Je mettrai à ta disposition tout ce dont tu auras besoin.
    Tristan s’inclina et demanda d’un trait :
    – Qui sera contre moi ? Shirton m’a dit des noms. J’aimerais en savoir davantage.
    Calveley ne se fit point prier. Assis sur un montoir, il recensa :
    – Sans doute, mais j’en attends confirmation, Guichard d’Angle, Jean de Grailly, Neel Loring, Chandos, Naudon de Bagerant et Matthieu de Gournay.
    Ce dernier nom toucha Tristan plus que les autres. Il avait côtoyé Gournay. Envoyé par Henri au roi du Portugal au plus fort du conflit contre Pèdre, Gournay avait, disait-on, jouté victorieusement contre soixante adversaires et voulu mettre à mal le champion du roi Fernand, un Breton nommé La Barre. Or, le rustique l’avait désheaumé et jeté à terre avec son cheval. L’Anglais s’était pâmé d’angoisse : il avait le bras senestre rompu. On racontait qu’il était avide d’une revanche mortelle, devant n’importe qui.
    « Ce sera moi », se dit Tristan. Et à voix haute :
    – Il ne me déplaît pas d’affronter Bagerant, Grailly et Guichard d’Angle : je les déteste, adoncques, je les vaincrai.
    – Ho ! Ho ! fit Calveley.
    Sachant combien un courroux de cette espèce devenait un allié précieux dans une passe d’armes, le géant ne se moquait point. Tristan lui sut bon gré de s’abstenir du moindre commentaire.
    – Peux-tu nous mener jusqu’à cette lice ? As-tu vu les vougiers devant ta maison ?
    – Mandement du prince… Mais je peux vous conduire à cheval au champ clos et vous y laisser galoper jusqu’à la vesprée. Au vrai, je suis venu vous chercher et te dire, Tristan, que quelqu’un, là-bas, espère ta venue.
    Tristan s’épargna une question. Il savait. Paindorge également.
    *
    C’était un vaste quadrangle au bord de la Garonne. Sur son pourtour et en son centre, dans un incessant maniement d’outils, des hommes dressaient des barrières et érigeaient des échafauds. On sciait, clouait, façonnait des pieux, des madriers, des lattes et des bardeaux. On peignait ici en blanc, là en bleu, ailleurs en safran ou en vermillon. Tous les corps de métiers rivalisaient d’ardeur ; toutes les compétences assemblées là s’alliaient pour réaliser promptement et bellement le vœu du prince. De la vigueur dans le geste, de la mesure et des précautions dans l’assemblage des degrés d’escaliers, des sièges et des toitures ; de la gaieté partout. Ce théâtre de l’honneur terminé, le moindre ornement témoignerait de l’outrecuidance du gros valétudinaire qui en avait décidé l’apprêt. L’agencement et l’harmonie des étoffes de prix laissaient prévoir que la lice de Bordeaux serait au seuil du prochain dimanche une sorte d’écrin immense à la gloire de monseigneur Édouard, de son épouse et de leurs chevaliers. Chaque prétoire fournirait aux prud’hommes, bourgeois et gens du commun le sentiment d’une perfection sans égale et tous ensemble composeraient les différents joyaux d’une parure complète. C’était du moins l’avis de Calveley.
    – As-tu vu ailleurs pareille magnificence ?
    – Non… Et je ne m’en soucierai peu.
    – Regarde, Tristan : il y aura deux fèvres. Un de chaque côté, adoncques un pour toi et Paindorge. Sous les auvents, on pose les enclumes. Les soufflets ne sont pas loin.
    – Je ne vois pas les manigaux 67 . Manquerait plus qu’on nous prive du nôtre.
    – Je veillerai à tout. Sois quiet.
    Le regard de Tristan ne cessait point d’errer. Était-elle venue ? Était-elle partie ? Calveley l’observait en silence. Moins, assurément, que Paindorge. Pour tenace et fondée qu’elle lui parût, cette curiosité ne l’incommodait pas. Abandonné au courant d’une espérance déraisonnable, il découvrait, outre l’appétit de ses sens, l’indifférence de son âme à des souvenirs et devoirs oppressifs. Avant, peut-être, d’encourir la mort, l’amour – ou plutôt sa semblance – s’offrait à lui comme le plus sûr moyen de le délivrer du mésaise où il s’enfonçait depuis Nâjera. Mais pourquoi s’était-il confié à son écuyer ?
    Entre deux échafauds une femme apparut, suivie d’un cheval qu’elle confia aux hommes qui s’étaient empressés de la saluer avec autant de respect que

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