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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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mémoire des morts, célébrer le triomphe des vivants et tenter d’immoler deux vaincus sans importance que le satrape d’Aquitaine avait ramenés d’Espagne à la suite de sa litière quand ce n’était de son palefroi.
    Paindorge n’avait jamais vu, dit-il, si grande foule agglomérée derrière des barrières ni si grand déploiement d’apparat. Aux angles de la lice, les mâts offraient au vent des bannières aux armes d’Édouard le Jeune qui peut-être deviendrait Édouard IV si sa santé cessait de se corrompre. Les perches intermédiaires, une trentaine, signalaient par leurs émaux, métaux et meubles, la présence des seigneurs qui jouteraient entre eux pour l’honneur des dames et du prince lorsqu’on aurait désassemblé le châtelet du pas d’armes. On avait érigé cinq échafauds, tous face à la Garonne afin que, las de voir des hommes s’entre-battre, les regards pussent parfois se rafraîchir d’eau et de ciel.
    – Les voilà ! dit Paindorge.
    Les Anglais quittaient leurs pavillons. L’éloignement ne permettait pas de distinguer leurs signaux mais ils étaient bien six, « comme prévu », dit Shirton.
    – Une fois à cheval, ajouta l’archer, ils iront saluer le prince et les dames.
    – Suis-je dispensé de ce cérémonial ?
    Shirton haussa les épaules et interrogea Aylward qui n’en savait guère plus que lui, mais crut opportun d’exprimer son avis :
    – Si vous n’y allez pas après eux , on vous accusera de mépris, et si vous vous conformez aux usages, on vous dira outrecuidant.
    Guéri du mésaise où cette apparition, pourtant attendue l’avait plongé, Tristan s’aperçut qu’un héraut informait le prince et le public de l’imminence des joutes et qu’il en inversait le motif. Il n’était pas, comme l’affirmait cet homme, «  le chevalier de France appelant  » mais tout bonnement le défendant. Il n’avait pas souhaité non plus des joutes aux lances de guerre : on les lui avait imposées. Édouard le Magnifique et son entourage tenaient à l’affubler d’une présomption et d’une hautaineté contraires à sa nature. Ils divulguaient en lui, mensongèrement, une disposition au meurtre qu’il n’avait jamais éprouvée ailleurs qu’à la guerre.
    Le héraut, à son intention, s’exprimait en français :
    –  Or, oyez ! Or, oyez ! Or, oyez… L’on fait assavoir a tous que ces joutes se feront en harnois propres pour se faire, en timbres, armures de fer et housses de chevaux armoyées des armes des nobles jouteurs, ainsi que de toute ancienneté est de coutume. Et audites joutes qui suivront celles-ci et le pas d’armes, y aura de nobles et riches prix par les dames et damoiselles donnés… Mais, entre ces joutes, un pas d’armes assemblera – s’il peut y prendre part – le chevalier de France Tristan de Castelreng…
    Un hourvari pareil à l’irruption d’un orage emporta le reste de la phrase. Des sifflets s’élevèrent et la huée grossit, entrecoupée de trépignements aussi assourdissants que le galop d’une compagnie de roncins. Ils furent en partie submergés par un concert de clochettes, trompes, cornemuses, tambourins et nacaires.
    – Cette frainte 107 , messire, témoigne de l’aversion dans laquelle on nous tient !
    Tourné vers son écuyer, Tristan rejeta cette observation par un réconfort des plus plats :
    – Sois quiet, Robert. Il ne servirait à rien de te tribouler. J’en finirai vélocement, si Dieu le veut, avec ces six champions pour clouer le bec à leurs souteneurs…
    Et s’adressant aux deux Anglais impassibles :
    – Aylward, reste avec lui et Shirton avec moi.
    Dans un étincellement de fers fourbis avec soin, droits et comme cloués sur des chevaux superbes, les appelants trottaient deux par deux en direction de l’échafaud du centre. Le vacarme s’était apaisé, de sorte qu’on entendait le frappement des sabots, le grillotis des lormeries, le cliquetis des plates d’armure et jusqu’au froissement des housses de mollequin ou de velours ciselé dont les chevaux avaient été parés. Six heaumes surmontés de plumes d’autruche devant lesquelles figurait le jube 108 du jouteur. Six houppes : deux de gueules, une d’azur, une d’or, deux de sinople qu’il eût fallu émonder à l’épée. Six targes de bois et d’acier qu’il faudrait traverser pour atteindre, au-delà, le plastron de cuirasse. Six volontés redoutables.
    – Hugh Calveley vous a fait préparer un

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