Le pays des grottes sacrées
Ayla lui avait parlé de son
expérience dans la grotte, la Première avait eu le sentiment d’avoir affaire à
la plus incontestable des vocations. Cette dernière strophe du Chant de la Mère
en particulier… Même si le don d’Ayla pour les langues et sa capacité à
mémoriser étaient phénoménaux, même si elle était devenue une conteuse
d’histoires, une rapporteuse de légendes d’une grande habileté et d’un talent
évident, elle n’avait jamais jusqu’alors fait montre d’une quelconque capacité
à composer des vers ; or elle avait bien dit que ceux-ci avaient empli sa
tête, et qu’elle avait entendu cette strophe dans son entier. Si elle était
capable d’expliquer au peuple ce qu’elle avait vécu avec la même force de
conviction, elle se montrerait à coup sûr extrêmement persuasive.
Lorsqu’elle eut le sentiment que
tout était mis en branle et ne pourrait désormais être arrêté, la Première
annonça d’une voix forte :
— Il se fait tard. Cette
réunion a été longue. Je crois que nous devrions nous séparer maintenant et
nous retrouver demain matin.
— J’avais promis à Jonayla
de monter avec elle aujourd’hui, expliqua Ayla, mais la réunion a duré plus
longtemps que prévu.
Je m’en serais doutée, se dit
Proleva en voyant les marques noires sur le front d’Ayla, mais elle se garda
bien de le dire.
— Jondalar l’a entendue me
parler de cette sortie à cheval avec toi ; elle se demandait où tu étais
et ce qui te retenait si longtemps. Dalanar a essayé de lui expliquer que tu
participais à une réunion très importante, que personne ne savait combien de
temps elle durerait, après quoi Jondalar lui a proposé de partir avec lui.
— J’en suis ravie, dit Ayla.
Je n’aime pas la décevoir. Cela fait longtemps qu’ils sont partis ?
— Depuis le début de
l’après-midi. Je suppose qu’ils ne vont plus tarder, répondit Proleva. Dalanar
m’a demandé de te rappeler que les Lanzadonii t’attendaient ce soir.
— Ah oui, c’est vrai !
J’ai été invitée alors que je me rendais à la réunion. Je crois que je vais
aller me changer, et me reposer un peu. J’ai du mal à croire qu’assister
simplement à une réunion puisse être si épuisant. Pourras-tu m’envoyer Jonayla
dès qu’elle sera de retour ?
— Bien sûr, promit Proleva,
se disant à part elle que la réunion en question avait certainement été
beaucoup plus que cela. Veux-tu manger quelque chose ? Ou prendre une
tisane ?
— Volontiers, Proleva, mais
d’abord je voudrais aller me laver un peu. J’adorerais aller me baigner… Mais
je crois que j’attendrai un peu pour ça. Non, d’abord je vais aller voir
Whinney.
— Ils l’ont prise avec eux.
Jondalar a dit qu’elle voudrait sûrement partir avec les autres chevaux, et que
cela ne lui ferait pas de mal de courir un peu.
— Il a eu raison. À Whinney
aussi, ses enfants manquent sans doute.
Proleva suivit du regard Ayla qui
se dirigeait vers la tente à dormir.
Elle a l’air vraiment fatiguée,
songea-t-elle. Ce qui n’a rien de surprenant quand on pense à ce qu’elle a
subi : perdre son bébé et maintenant devenir notre nouvelle Zelandoni…
sans oublier son appel, quoi que cela puisse être.
Comme tous les Zelandonii,
Proleva avait été témoin des conséquences d’une approche excessive du Monde des
Esprits. Chaque fois que quelqu’un était sérieusement blessé, par exemple, ou,
plus effrayant, était victime d’une maladie aussi grave qu’inexplicable, elle
savait qu’il n’était pas loin du Monde d’Après. L’idée qu’une personne pût
volontairement entrer en contact avec ce monde de façon à pouvoir servir la
Mère allait largement au-delà de sa compréhension. Elle sentit un frisson
l’agiter. La certitude qu’elle ne connaîtrait jamais une expérience aussi
éprouvante la comblait de bonheur. Même si elle savait avec autant de certitude
que chacun un jour serait contraint de s’installer dans cet endroit redoutable,
elle n’avait pas le moindre désir de rejoindre les rangs de la Zelandonia.
En plus, Ayla et Jondalar ont des
problèmes, se dit-elle. Il l’évite volontairement. Je l’ai vu prendre une autre
direction chaque fois qu’il l’apercevait. Je suis à peu près sûre de savoir de
quoi il s’agit. Il se sent honteux. Elle l’a surpris avec Marona, et maintenant
il évite de l’affronter. Ce n’est pas le bon moment pour qu’il
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