Le pays des grottes sacrées
devenir un chasseur-né, il en
était un à présent. Il s’était changé en loup. Ce n’était pas ce qu’il avait
souhaité en demandant à devenir un bon chasseur mais il était trop tard.
« Loupal regrettait
tellement ce qui lui arrivait qu’il aurait volontiers pleuré mais il n’avait
pas de larmes. Il resta un moment au bord de l’eau et, immobile, remarqua
d’autres changements. Il avait l’ouïe plus fine et sentait des odeurs qu’il ne
connaissait même pas auparavant. En humant l’air, il décelait la présence de
nombreuses choses et d’autres animaux. Lorsqu’il repéra un lièvre blanc, il se
rendit compte qu’il avait faim. Mais maintenant, il savait exactement comment
faire pour le chasser. Bien que le lièvre fût rapide et capable de changer
brusquement de direction, Loupal anticipa ses mouvements et le captura sans
peine.
Cette partie du conte fit sourire
Ayla. La plupart des gens croyaient que les loups et autres carnassiers
savaient en naissant comment traquer et tuer une proie, mais elle était
convaincue du contraire. Après avoir appris en secret à se servir de sa fronde,
elle avait voulu franchir le pas suivant en chassant, mais la chasse était
interdite aux femmes du Clan. De nombreux animaux volaient souvent à Brun la
viande qu’il convoitait, en particulier des petits carnivores comme l’hermine
et la fouine, le chat et le renard, ou d’autres chasseurs de plus grande taille
tels le glouton, le lynx, le loup et la hyène. Ayla avait justifié sa décision
d’enfreindre le tabou par la promesse de ne chasser que des carnivores
nuisibles à son clan et de laisser aux hommes les gros pourvoyeurs de
nourriture. Non seulement elle n’avait pas tardé à devenir bonne chasseuse mais
elle avait aussi beaucoup appris sur les proies qu’elle s’était choisies. Elle
avait passé des années à les observer et savait que si l’instinct de chasse
était fort chez les carnivores les jeunes apprenaient tous à chasser avec les
adultes. Elle ramena son attention sur le conte de Galliadal :
— Le goût du sang chaud
coulant dans son gosier était délicieux et Loupal dévora le lièvre. Il retourna
à la rivière boire et nettoyer le sang tachant son pelage, chercha ensuite un
endroit sûr. Lorsqu’il en eut trouvé un, il se coucha en rond, couvrit son
visage de sa queue et s’endormit. Quand il se réveilla, il faisait sombre mais
il y voyait mieux la nuit qu’auparavant. Il s’étira, leva une patte et aspergea
un buisson avant de repartir en chasse.
Sur l’estrade, le jeune homme
mimait avec talent les mouvements du loup et les spectateurs éclatèrent de rire
quand il leva la jambe.
— Loupal vécut quelque temps
dans la grotte abandonnée par la vieille femme, se nourrissant des animaux
qu’il tuait et prenant plaisir à la chasse, mais il finit par se sentir seul.
Le garçon était devenu loup mais il était aussi resté un garçon et il se
languissait des siens, de la belle jeune femme venue du sud. Il prit le chemin
de la Caverne de sa mère en courant avec l’aisance d’un loup. Quand il repéra
un faon égaré, il se rappela que la femme du Sud aimait manger de la viande et
décida de chasser pour elle.
« Ceux qui le virent
approcher eurent peur et se demandèrent pourquoi un loup se dirigeait vers eux
en traînant un faon. Loupal vit la jolie jeune femme et ne remarqua pas le
grand homme aux cheveux blonds qui se tenait à côté d’elle, avec à la main une
nouvelle arme permettant de lancer des sagaies vite et loin, mais au moment où
l’homme ramenait le bras en arrière Loupal laissa tomber le faon aux pieds de
la femme. Puis il s’assit et leva les yeux vers elle. Il aurait voulu lui dire
qu’il l’aimait mais il ne pouvait plus parler. Il ne pouvait montrer son amour
que par son regard.
Tous les spectateurs se
tournèrent vers Ayla et le loup étendu à ses pieds. Certains se mirent à rire,
d’autres à frapper leur genou de leur main pour manifester leur plaisir. Bien
que Galliadal n’eût pas eu l’intention d’arrêter là l’histoire, la réaction de
son auditoire le convainquit que c’était une bonne fin.
Gênée d’être l’objet de tant
d’attention, Ayla regarda Jondalar. Il souriait lui aussi et se frappait les
genoux.
— C’est une bonne histoire,
estima-t-il.
— Mais rien n’est vrai.
Il baissa les yeux sur Loup qui
se levait et prenait une position protectrice devant Ayla.
— Ça au moins c’est
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