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Le pianiste

Le pianiste

Titel: Le pianiste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Wladyslaw Szpilman
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entassé des tables et des chaises pour se hisser
dans le grenier, les Allemands n’ont pas cherché à vérifier le toit, certains
qu’il aurait été impossible de s’y cacher. Ils sont repartis bredouilles, en
jurant et en me traitant de tous les noms.
    J’ai été tellement traumatisé par cette alerte que j’ai
décidé d’adopter une organisation encore plus draconienne : dorénavant, je
passerais mes journées étendu sur le pan de toit et je ne redescendrais dans le
grenier qu’à la nuit tombée. Le corps gelé par les plaques de zinc, bras et
jambes ankylosés à force de rester dans une position aussi pénible, j’endurais
cette souffrance en me répétant qu’elle n’était qu’une épreuve de plus après
toutes celles que j’avais déjà traversées. Une semaine s’est néanmoins écoulée
avant que l’unité allemande dont les hommes savaient que je me cachais ici soit
envoyée ailleurs, son temps de corvée à l’hôpital terminé.
    Le jour suivant, ce sont des civils flanqués par des SS qui
les ont remplacés. Il était presque dix heures du matin lorsque, aplati sur mon
toit pentu, j’ai soudain entendu une rafale de balles s’abattre tout près de
moi. Elles venaient d’une carabine ou d’un fusil automatique, produisant une
succession de sifflements modulés, comme si une troupe d’hirondelles passait à
tire-d’aile au-dessus de ma tête, et une pluie de cartouches ricochait tout
autour. Je me suis retourné. Deux Allemands juchés sur le toit de l’hôpital me
tiraient dessus. J’ai glissé à bas du toit et je me suis précipité vers la
trappe du grenier, courbé en deux. « Stop ! Stop ! », leurs
cris me poursuivaient et les balles continuaient à siffler mais j’ai atterri
indemne sur le palier.
    Il n’était plus temps de réfléchir. Ma dernière cachette
venait d’être découverte, il n’y avait plus de place pour moi dans cet immeuble.
J’ai dévalé les escaliers. Débouchant rue Sedziowska, j’ai couru me perdre dans
les ruines des villas qui avaient jadis formé la résidence Staszic.
    Comme tant de fois déjà, ma situation était désespérée. Les
restes de mur derrière lesquels je me dissimulais ne pouvaient receler les moindres
restes de nourriture, ni de l’eau, ni même une cachette un tant soit peu fiable.
Après un moment, pourtant, j’ai avisé un grand bâtiment dont la façade
principale donnait sur l’allée Niepodleglosci et l’arrière sur Sedziowska, l’unique
immeuble à plusieurs étages de la zone. Je m’en suis approché prudemment. De
plus près, on s’apercevait que le cœur de la bâtisse avait entièrement brûlé
mais que les parties latérales étaient pratiquement intouchées. Ici, les
appartements étaient encore meublés, les baignoires toujours pleines depuis l’époque
du soulèvement, quand les habitants les avaient remplies d’eau en prévision des
incendies, et les pillards n’avaient pas entièrement dévalisé les garde-manger.
    Suivant mon instinct et mes habitudes, je suis monté droit
au grenier. Le toit était en bon état, à peine endommagé par des éclats d’obus
ici et là, et donc il faisait nettement plus chaud que dans l’immeuble qui m’avait
abrité jusqu’alors. Mais il serait impossible de m’échapper sur la toiture, ici,
ni même de me donner la mort en me jetant dans le vide si j’étais cerné. Au
dernier étage en mezzanine, il y avait un petit vitrail par lequel je pourrais
surveiller les environs. Aussi pratique et confortable qu’ait été ce nouveau
gîte, je ne m’y sentais pourtant pas à l’aise ; peut-être parce que je m’étais
accoutumé à l’autre ? De toute façon, je n’avais pas le choix.
    Je suis descendu a mon poste d’observation. Sous mes yeux, j’avais
des centaines de pavillons incendiés, une fraction entière de ville frappée par
la mort. Dans les petits jardins, les monticules de tombes fraîchement creusées
se succédaient à l’infini. Une colonne de travailleurs, pelle ou pioche à l’épaule,
descendait la rue en rangées de quatre. Constatant qu’il n’y avait pas un seul
uniforme alentour, et encore sous le coup de ma fuite précipitée, j’ai
brusquement été envahi par le besoin impérieux d’entendre une voix humaine, de
nouer une conversation normale. Quel que soit le risque encouru, il fallait que
je parle à ces hommes. J’ai dévalé les escaliers. Ils s’éloignaient déjà. Je
leur ai couru après.
    « Vous êtes

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