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Le pianiste

Le pianiste

Titel: Le pianiste Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Wladyslaw Szpilman
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polonais ? » ai-je lancé, tout
essoufflé.
    Ils se sont arrêtés et m’ont dévisagé avec étonnement. Celui
qui menait le groupe a fini par me répondre :
    « Oui.
    — Qu’est-ce que… qu’est-ce que vous faites, par ici ? »
    Après quatre mois de silence total, n’étaient les trois mots
balbutiés devant le soldat avec lequel j’avais échangé ma vie contre une
demi-bouteille de gnôle, j’étais bouleversé.
    « On creuse des tranchées. Et toi, alors ?
    — Moi ? Je me cache.
    Il m’a considéré avec ce que j’ai pris pour une nuance de
pitié.
    — Viens avec nous. Tu peux travailler, toi aussi. Tu
auras droit à la soupe. »
    De la soupe ! Rien qu’à imaginer un bol de vrai
bouillon fumant, j’ai été saisi de crampes à l’estomac, si violentes que j’ai
été à deux doigts de les suivre. J’en voulais, de cette soupe ! Je ne
désirais qu’un repas digne de ce nom, même une seule fois, même si je devais
être tué aussitôt après ! Mais j’ai réussi à surmonter cet instant d’égarement.
    « Non. Je ne vais pas avec les Allemands.
    Leur chef a eu un sourire où le cynisme se mêlait à une
ironie moqueuse.
    — Oh, je ne sais pas… ils ne sont pas si méchants, les
Allemands ! »
    C’est là qu’un détail m’a frappé, un détail auquel je n’avais
jusqu’alors pas prêté attention : il était le seul à s’exprimer, alors qu’aucun
des autres n’avait ouvert la bouche. Il portait un brassard coloré au bras, orné
d’un symbole que je ne reconnaissais pas. Et il y avait quelque chose de veule
dans son expression, aussi désagréable que sa façon de ne jamais me regarder
dans les yeux quand il s’adressait à moi, de laisser son regard se perdre
par-dessus mon épaule droite.
    « Non, ai-je répété. Merci, mais c’est non.
    — Comme tu voudras », a-t-il grommelé entre ses
dents.
    J’ai tourné les talons. Ils repartaient déjà quand je me
suis retourné pour leur lancer un « au revoir » attristé.
    Assailli par un mauvais pressentiment, ou peut-être guidé
par un instinct de survie que j’avais eu plus que l’occasion d’aiguiser pendant
toutes ces années, je ne suis pas retourné au grenier que j’avais choisi pour
cachette. Au contraire, je me suis dirigé vers l’un des pavillons les plus
proches, comme si je m’apprêtais à y retrouver mon abri habituel, dans la cave
par exemple. Arrivé sur le pas de la porte calcinée, j’ai encore tourné la tête.
La colonne continuait son chemin, mais le chef du groupe me surveillait du coin
de l’œil, cherchant à voir où j’allais.
    J’ai attendu qu’ils aient disparu pour me glisser en haut de
l’immeuble et je me suis posté devant le vitrail. Dix minutes plus tard, le
civil au brassard était de retour, flanqué de deux policiers auxquels il a
montré du doigt la villa où il me croyait tapi. Ils y sont entrés, puis ils ont
inspecté d’autres pavillons alentour mais sans jamais s’approcher du grand bâtiment.
Ils avaient peut-être peur de tomber sur une unité de rebelles qui n’auraient
pas quitté Varsovie, qui sait ? Tout au long de la guerre, nombreux sont
ceux qui ont eu la vie sauve grâce à la couardise des Allemands, ces derniers n’aimant
faire montre de courage que s’ils étaient sûrs d’avoir une écrasante
supériorité en nombre et en moyens sur leur ennemi.
    Au bout de deux jours, je suis parti en quête de vivres. Cette
fois, j’avais l’intention de m’en procurer en quantité suffisante pour ne pas
avoir à ressortir de ma cachette trop souvent. Je devais mener mes recherches
en plein jour car les lieux ne m’étaient pas encore très familiers et sans
lumière j’aurais fini par me perdre. Dans l’une des cuisines, j’ai trouvé un
placard qui contenait plusieurs boîtes de conserve, ainsi que des boîtes et des
sacs dont j’ai entrepris d’inspecter le contenu avec soin. Très absorbé à
dénouer des cordes et à dévisser des couvercles, je n’ai rien entendu jusqu’à
ce qu’une voix s’élève soudain, juste dans mon dos.
    « Mais qu’est-ce que vous fabriquez ici ? »
    Un o fficier
allemand était adossé au comptoir de la cuisine, les bras croisés sur la
poitrine. Il était grand, avec beaucoup de prestance.
    « Que faites-vous là ? a-t-il répété à voix basse.
Alors vous ne savez pas que l’état-major des forces spéciales de Varsovie doit
s’installer dans ce bâtiment d’un jour à

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