Le pianiste
sportif de la capitale. Puis il
avait exercé son métier de chimiste en Pologne avant de décider d’émigrer en
Australie, où il se proposait de créer son laboratoire. »
Grâce à cette visite, Leon Warm allait apprendre de Frau
Hosenfeld que son mari était toujours en vie. Elle avait reçu quelques lettres
qui le lui prouvaient. L’épouse de Wilm lui avait même montré une carte postale
datée du 15 juillet 1946, sur laquelle il avait dressé une liste de Juifs et de
Polonais qu’il avait personnellement sauvés, en demandant à sa femme d’entrer
en contact avec ces personnes pour leur demander d’intervenir en sa faveur. En
quatrième position dans la liste, ils avaient réussi à déchiffrer :
« Wladislaus Spielmann, pianiste à Radio Varsovie. »
Le souvenir de Wilm Hosenfeld restait également vivace dans
la mémoire d’une famille polonaise, les Cieciora. Au cours des premiers jours
de la « guerre-éclair », en effet, la femme de Stanislaw Cieciora
avait vécu une expérience des plus étranges alors qu’elle se rendait au camp de
prisonniers de Pabianice, où son mari blessé au combat devait certainement être
détenu avec d’autres soldats de l’armée en déroute, lui avait-on dit. Sur la
route, elle avait croisé un officier allemand en bicyclette, qui lui avait
demandé où elle allait. Tétanisée par la peur, elle était cependant parvenue à
bredouiller la vérité : « Mon mari… il est militaire et il est malade…
au camp, là-bas… Moi je vais bientôt mettre mon enfant au monde et je crains
pour sa vie. » L’Allemand avait noté le nom du prisonnier, puis il lui
avait dit de retourner chez elle en lui promettant : « Votre mari
sera à la maison dans trois jours. » Ce qui s’était réalisé.
Par la suite, Hosenfeld était passé les voir de temps à
autre et ils s’étaient liés d’amitié. Cet Allemand hors du commun avait
entrepris d’apprendre le polonais ; catholique pratiquant, il se rendait
même parfois à l’église en compagnie de ses nouveaux amis, assistant à la messe
ordinaire dans son uniforme de la Wehrmacht. Quel symbole, vraiment, un
officier sanglé du « manteau vert-de-gris des assassins » agenouillé
devant un curé polonais et recevant sur sa langue aryenne l’hostie déposée par
un « sous-homme de Slave » !
De fil en aiguille, la famille Cieciora lui avait confié son
inquiétude au sujet du frère de Stanislaw, un prêtre passé dans la clandestinité
que les Allemands recherchaient activement. Hosenfeld allait le sauver
également, de même que par la suite un ami des Cieciora, qu’il était arrivé à
tirer des griffes de l’occupant en le faisant descendre d’un camion militaire. C’est
dans la relation des faits donnée par la fille du capitaine Hosenfeld que j’ai
découvert comment ces deux hommes ont échappé à la mort : « Au
printemps 1973, nous avons reçu la visite de Maciej Cieciora, venu de Posen (Poznan).
Son oncle, un curé, avait dû fuir la Gestapo après l’invasion allemande de l’automne
1939. Mon père, qui avait alors la charge des complexes sportifs de Varsovie
réquisitionnés par la Wehrmacht, l’avait pris sous sa protection en lui donnant
un travail dans son bureau sous le nom d’emprunt de Cichocki. C’est par l’intermédiaire
du père Cieciora, avec lequel il s’était rapidement lié d’amitié, qu’il avait
fait la connaissance du beau-frère de celui-ci, un M. Koschel. Et il l’avait
revu dans des circonstances très exceptionnelles.
« D’après ce que Maciej Cieciora nous a raconté, les
résistants polonais avaient abattu des soldats allemands dans le quartier de
Varsovie où habitaient les Koschel. Cela devait se passer en 1943, certainement.
En conséquence, les SS avaient opéré une rafle, arrêtant plusieurs résidents de
ce quartier, dont M. Koschel, et les embarquant dans un camion militaire :
les malheureux devaient être conduits hors de la ville et fusillés
immédiatement, en forme de représailles.
« Un heureux hasard a voulu que mon père soit passé à
pied près de ce véhicule alors que celui-ci franchissait un carrefour du
centre-ville. Reconnaissant cet officier qu’il connaissait sur le trottoir,
M. Koschel lui a adressé de grands signes, un appel à l’aide que mon père
a aussitôt compris. Avec une remarquable présence d’esprit, il s’est jeté sur
la chaussée en ordonnant d’un geste au chauffeur de s’arrêter. “Il
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