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Le piège

Le piège

Titel: Le piège Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuel Bove
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encore
présent.
    Bridet se leva de nouveau à demi, persuadé
maintenant que Basson allait lui parler. Mais ce dernier passa sans même
tourner la tête.
    — Basson, Basson ! appela Bridet.
    Ce dernier parut ne pas entendre. Bridet
retourna auprès de l’appariteur, un peu gêné d’avoir été traité ainsi.
    — Je vais aller prévenir que vous êtes
là, fit gentiment l’appariteur.
    Bridet s’engagea dans le couloir, en
restant pourtant discrètement quelques pas en arrière.
    Peu après, l’appariteur revint.
    — M. Basson n’a pas le temps de vous
recevoir.
    Bridet ressentit une impression d’accablement.
C’était donc tout ce qui restait de leur amitié ou plus exactement de leur
longue camaraderie de jadis.
    — Il ne vous a pas dit quand je
pouvais revenir ?
    — Non, Monsieur, répondit l’appariteur
toujours avec gentillesse, comme si au fond de lui-même il ne pouvait s’empêcher
de trouver ses nouveaux chefs bien cavaliers. « Je vais aller le lui
demander », offrit-il de lui-même.
    Il revint peu après et faisant un geste d’impuissance :
    — M. Basson dit que vous n’avez qu’à
revenir entre onze heures et midi. Vous serez sûr de le trouver.
    Bridet venait à peine de faire quelques pas
dans la rue lorsqu’il rougit tout à coup. C’était la première fois depuis sa
jeunesse qu’il rougissait de nouveau ainsi, une fois seul, au souvenir d’un
incident qui pouvait être considéré comme humiliant. « L’idée qu’ils se
font d’eux-mêmes est quelque chose d’effarant », murmura-t-il. Puis il
pensa qu’il avait tort de se laisser aller ainsi. Il y avait des millions de
Français qui auraient été heureux de faire de pareilles démarches pour être
libres. Et ils n’eussent pas rougi, eux.
    ** *
    Le lendemain, Bridet retourna au ministère
un peu avant midi, avec l’espoir qu’étant le dernier visiteur, Basson l’emmènerait
déjeuner.
    — Vous n’avez pas de chance ! s’écria
l’appariteur. M. Basson vient de sortir. Mais il va revenir. Attendez-le.
    Bridet s’assit à la même place que la
veille. Peu après, il vit passer Vauvray qui parut ne pas le reconnaître, puis
le jeune employé qui, quelques jours plus tôt, lui avait demandé le nom de
jeune fille de sa grand-mère. Pour tuer le temps, il prit sur une table un
magazine assez luxueux où il n’était question que des joies de la vie au grand
air.
    Basson ne revenait toujours pas. À une
heure et quart, Bridet se décida à partir. Son attente, de normale qu’elle
était si son ami n’avait pas trop tardé, devenait indiscrète.
    Il venait de sortir lorsqu’une voiture dans
laquelle se trouvait Basson s’arrêta devant le ministère. « Vous n’avez
pas de chance » avait dit l’appariteur. C’était vrai. Quelques secondes de
plus d’attente et Bridet se fût trouvé le plus naturellement du monde en
présence de Basson dans le hall ou l’escalier des Célestins. Décidément, il y
avait des jours où tout se passait à contretemps. Il était obligé, à cause de
ces quelques secondes, de revenir sur ses pas, d’attendre que Basson sortît de
la voiture, d’expliquer ensuite ce qui s’était passé.
    — Basson ! cria Bridet à son ami
qui s’engouffrait à la hâte dans le ministère.
    Il se retourna. À la vue de Bridet, il
montra une grande surprise.
    — Comment ! dit-il, tu viens à
cette heure-ci !
    — Je partais au contraire, mais j’ai
aperçu ta voiture...
    — Je n’ai pas le temps, je n’ai pas le
temps, dit Basson sans même tendre la main à son camarade. Viens me voir n’importe
quel jour, mais entre onze heures et midi.
    — Je viendrai demain, dit Bridet.

6
    Au fond, ces difficultés à approcher Basson
n’étaient pas de mauvais augure. Bridet y voyait l’indication rassurante que
son cas n’avait pas une grande importance. La curiosité des premiers jours
passée, personne ne s’intéressait plus à son histoire insignifiante de
sauf-conduit. C’était le principal.
    Le lendemain, Bridet revint plus
modestement à onze heures. « Ce n’est pas tellement drôle de déjeuner avec
des gens pareils, pensait-il. Une seule chose compte mes papiers. »
    Cette fois, Bridet fut introduit
immédiatement.
    — Alors, mon vieux, qu’est-ce qui t’arrive ?
demanda Basson.
    — Rien. Je viens te voir...
    — Comment rien ? Tu ne viens pas
d’avoir des ennuis à Lyon ?
    — Il ne faut rien exagérer...
    — Yolande m’a pourtant

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