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Le piège

Le piège

Titel: Le piège Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuel Bove
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*
    Le surlendemain, Bridet retournait à Vichy.
Ses papiers devaient être prêts. Quoique arrivé le matin, ce ne fut qu’à la fin
de l’après-midi qu’il se décida à aller au ministère de l’Intérieur. En ces
quelques jours, les menuisiers et les peintres avaient donné à l’hôtel de
station thermale un aspect plus compatible avec le sérieux des services qu’il
abritait. Le tambour de l’entrée avait été démonté. Les allées et venues
étaient si nombreuses qu’il avait fini par devenir gênant. Et peut-être que des
préoccupations de sécurité n’avaient pas été étrangères à cette suppression.
Les quelques secondes qu’il mettait à tourner pouvaient favoriser un mauvais
coup, un attentat par exemple. La réception avait été transformée en salle de
garde. Des cloisons avaient été dressées un peu partout. Elles étaient déjà
couvertes d’affiches de propagande. Un garde mobile avec casque et mousqueton
se tenait devant la porte de l’ascenseur.
    Bridet sentit son cœur se serrer. Il avait
l’impression que quelque chose s’était passé en son absence. Partout, des
agents de police en uniforme. Par crainte d’être interpellé s’il passait sans
rien dire, il demanda à l’un d’eux s’il savait où se trouvait le bureau de M.
Basson. Le policier ne put répondre. Bien qu’il n’eût certainement pas la
consigne d’accompagner les visiteurs, il conduisit Bridet à une table derrière
laquelle se trouvait un huissier avec une chaîne comme à Paris et dont la
poitrine était couverte de décorations.
    Cet huissier consulta le tableau. Assis à
côté de lui, deux messieurs d’apparence quelconque parlaient à voix basse.
    — Vous voulez voir M. Basson ?
    — Oui.
    — Au premier étage.
    Le garde mobile n’avait pas bougé. Bridet
le remercia. Cette présence à côté de lui d’un homme en armes lui était
profondément désagréable. Un événement fâcheux avait dû se produire. C’était
pour qu’il ne se renouvelât pas que les visiteurs étaient accompagnés.
    Bridet s’engagea dans l’escalier. Sur le
palier même du premier étage, une douzaine de fauteuils d’osier étaient
alignés. « Ils ont dû faire un bureau de la salle d’attente », pensa
Bridet.
    Il demanda Basson. L’appariteur revint
quelques instants après, M. Basson n’était pas dans son bureau. M. Basson était
en conférence avec le ministre, mais M. Basson n’allait pas tarder.
    Bridet s’assit. Sur une pancarte, il lut
entre autres noms celui de Basson suivi de ces mots où on sentait une
incompréhensible mauvaise humeur : « M. Basson ne reçoit que de onze
heures à midi. »
    « Ils s’installent pour longtemps »,
pensa Bridet. Il alluma une cigarette. Entre chaque fauteuil, un cendrier que
portait un groom en bois découpé avait été placé. Des fonctionnaires passaient
à chaque instant, sans que jamais un seul jetât le plus rapide regard sur les
visiteurs.
    Bridet attendait depuis une heure lorsque
quatre hommes sortirent d’un bureau. Basson était parmi eux. Bridet se leva à
demi pour attirer l’attention. Il rencontra le regard de son ami, mais
celui-ci, encore tout frémissant, ne lui fit aucun signe.
    Bridet se rassit. « Dès qu’il va avoir
fini, pensa-t-il, il va venir me chercher. »
    Les quatre hommes parlaient à haute voix,
sans paraître craindre le moins du monde une indiscrétion. Bridet ne quittait
pas des yeux Basson, mais ce dernier, comme s’il le savait, ne regardait jamais
de ce côté. « Le type qui est au milieu doit être le ministre »,
pensa Bridet. C’était un homme grand et fort, vêtu d’un costume élégant. Il avait
les cheveux pommadés. Il ne parlait pas, mais n’écoutait pas non plus ce qu’on
lui disait. On sentait que l’essentiel avait été réglé et qu’il ne s’attardait
que par courtoisie. Quant aux trois autres, leur agitation avait quelque chose
de servile. Elle visait à donner d’avance une idée de la conscience et du
sérieux avec lesquels les ordres seraient exécutés.
    Enfin, ils se séparèrent. L’appariteur
courut dans l’escalier et, à mi-chemin, cria : « Le ministre, le
ministre... » On entendit un bruit de crosses sur les mosaïques second
empire du rez-de-chaussée, puis d’autres voix : « La voiture, faites
avancer la voiture, le ministre... »
    Les trois hommes se quittèrent à leur tour
en se témoignant beaucoup d’égards, comme si leur chef avait été

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