Le piège
toujours
sûr de gagner une femme. Il y avait là-dessous un piège. On le jetait dans les
bras de Yolande. Si ça ne donnait pas de résultat, eh bien, demain, au lever du
jour, on les arrêterait tous les deux.
— Écoute-moi, Yolande, dit Bridet
calmement. Tu vas me raconter exactement, dans tous les détails, ce qui s’est
passé.
— Tout de suite ? Déjà ? Tu
ne veux pas t’asseoir sur le lit à côté de moi ?
— Oui, tout de suite.
— Je vais te le dire. Tu verras, c’est
très simple.
— Non, non, ne me dis rien. Réponds à
mes questions. Quand Outhenin t’a-t-il téléphoné ?
— Aujourd’hui, dans la matinée, à onze
heures. Je n’étais pas là. Il a retéléphoné à midi. La chance a voulu que cette
fois je sois là.
— Qu’est-ce qu’il t’a dit exactement ?
— Il m’a dit qu’il voulait absolument
me voir à ton sujet, que je devais venir immédiatement. J’ai tout de suite
pensé que tu avais fait une bêtise. J’ai pris le train.
— Et tu as vu Outhenin ?
— Oui, il m’a reçue très gentiment. Un
certain monsieur Saussier et un autre monsieur qu’on ne m’a pas présenté se
trouvaient là également. J’étais émue. Il y avait de quoi. Ils s’en sont
aperçus. Ils m’ont réconfortée. Ils m’ont expliqué que quant à eux, ils
savaient que tu n’avais rien fait, mais que tu t’étais mis dans un mauvais cas.
Ils m’ont demandé de leur dire franchement ce que je savais sur tes relations
avec Basson. Je le leur ai dit.
— Qu’est-ce que tu leur as dit ?
— La vérité...
— Quelle vérité ?
— Je leur ai dit que tu n’avais voulu
qu’obtenir un sauf-conduit de Basson. Ils m’ont demandé si je savais ce que tu
voulais faire en Afrique. Je leur ai dit que tu voulais servir le Maréchal. Ils
se sont mis à rire si spontanément que j’ai compris qu’ils étaient plus malins
que toi. Personne n’était dupe de ta comédie. Tout le monde avait deviné que tu
cherchais à rejoindre de Gaulle. « Que votre mari soit communiste, m’a dit
Outhenin, juif, gaulliste, franc-maçon ou tout à la fois, nous n’y pouvons
rien. Mais dites-lui qu’il ne nous prenne pas pour des imbéciles... »
— Qu’est-ce que tu lui as répondu ?
— Que voulais-tu que je réponde ?
Je ne pouvais rien répondre. J’ai simplement répété qu’en ce qui concerne
Basson, tu ignorais qu’il fût en rapport avec de Gaulle. Ils m’ont demandé si tu
me tenais au courant de ce que tu faisais. Je leur ai répondu : « Oui. »
À ce moment j’ai ajouté : « Croyez-moi, Basson est trop intelligent
pour s’ouvrir à un homme comme mon mari. Vous dites vous-même que tout le monde
savait ce que mon mari était venu faire à Vichy. Et c’est d’un homme pareil que
Basson aurait fait son complice ! » Ils ont voulu savoir si je n’avais
rien remarqué de bizarre dans ta conduite. Je leur ai répondu : « Absolument
rien. Mon mari ne désirait qu’une chose : son sauf-conduit. »
— En somme, tu leur as dit que je
voulais rejoindre de Gaulle.
— Je ne leur ai pas dit ça. Ils le
savaient d’ailleurs. Je n’y peux rien. C’est à toi qu’il faut t’en prendre. Ils
le savent si bien qu’Outhenin m’a fait la remarque suivante : « Nous
voulions faire expulser votre mari de Vichy, mais il était trop drôle... »
— Ils ne savaient rien du tout, cria
Bridet, et maintenant à cause de toi, ils savent.
— Je ne leur ai rien dit.
— Tu n’as même pas paru étonnée.
— J’aurais eu l’air d’une folle.
— À présent, je suis dans de beaux
draps, cria Bridet encore plus fort.
— Tout est arrangé au contraire. La
preuve, c’est qu’on t’a relâché. Il n’y avait rien d’autre à faire que de leur
parler franchement. Il ne fallait surtout pas essayer de les tromper. Si j’avais
finassé, ils ne nous lâchaient plus ni l’un ni l’autre. Les hommes connaissent
les hommes, mon chéri. Les paroles ne cachent rien. De même que toi, tu sais ce
que pense Saussier, Saussier sait ce que tu penses. Ma façon de parler leur a
plu. Ils ont compris qu’au fond tu n’étais pas dangereux.
Bridet se mit à marcher de long en large,
très vite. Il était hors de lui.
— Alors, maintenant, officiellement,
cria-t-il, je suis gaulliste. Maintenant, ça y est. Eh bien, ça ne va pas être
long ! Tu peux dire que tu as fait du joli travail. Mais il fallait t’indigner,
Yolande...
— Tout le
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