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Le piège

Le piège

Titel: Le piège Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuel Bove
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monde savait la vérité, je
te répète.
    — On ne savait rien... Tu peux être
tranquille que si on avait su quelque chose, on n’aurait pas fait tant de
chichis.
    — Enfin, je n’ai pas été si maladroite
que ça, puisque, grâce à moi, tu es ici.
    — Jusqu’à demain matin. Ils vont venir
demain matin, j’en suis sûr, ah ! tu ne les connais pas.
    — Tu te trompes, mon chéri. Tu as
toujours pris les gens pour des idiots. Eh bien, ces gens-là ne sont pas plus
bêtes que toi. Ils ont compris ce que tu étais et ils ne t’en veulent même pas.
Ils seraient gaullistes que je serais moins tranquille pour toi.
    Bridet faillit s’emporter. Mais
brusquement, il lui apparut que toute discussion était inutile. Ce qui était
fait était fait. Yolande crut qu’il revenait à de meilleurs sentiments.
    — Demain, dit-elle, nous irons
ensemble rendre visite à M. Saussier.
    — Rendre visite... Ah... ah... tu
appelles ça rendre visite. Nous n’aurons pas besoin de nous déranger. C’est
plutôt lui qui va nous rendre visite.
    — Ne dis pas de bêtises. Quand ta
colère sera passée, tu comprendras. Ce M. Saussier est un homme très gentil, tu
verras.
    — Oh ! je le connais.
    Bridet se mit à rire. Un aspect inattendu
de sa situation venait de lui apparaître. L’arrivée de sa femme lui donnait
simplement l’air d’un imbécile. Tout se passait comme si les opinions qu’il
pouvait manifester, quelque subversives qu’elles fussent, étaient inoffensives,
comme s’il était un pauvre type, gaulliste en effet, mais gaulliste par bêtise.
Il suffisait de le secouer un peu, de lui faire peur, pour le remettre dans le
droit chemin.
    — Au fond, tu me fais passer pour un
crétin, dit-il en riant toujours.
    Yolande se fâcha.
    — Comment peux-tu me dire une chose
pareille ?
    — Oui, un pauvre d’esprit, un minus
habens, qui s’est mis dans la tête qu’il était gaulliste parce qu’il a entendu « Sambre
et Meuse » à la radio de Londres.
    — Et même que cela serait, qu’est-ce
que ça peut te faire ?
    Bridet ne répondit pas. Il était clair que
Yolande ne comprenait pas qu’un homme pût avoir un idéal plus élevé que celui
de son misérable entourage.
    — Tu as bien cherché à passer pour un
pétainiste. Qu’est-ce que ça peut te faire de passer pour un imbécile ? La
seule chose qui compte, c’est de te tirer du mauvais pas où tu t’es mis.
    — Si ce n’était que ça, dit-il, ce ne
serait rien.
    — Qu’est-ce que tu veux dire ?
    — Je veux dire que nous pourrons nous
estimer heureux, toi et moi, si demain matin on ne vient pas nous arrêter tous
les deux. Crois-moi, ne te fie pas à ces types-là. Ce sont des Boches, tu m’entends.
Ils sont plus boches que les Boches.
    — Ne dis pas ça, mon chéri. Tu ne sais
pas ce qu’ils pensent.
    — Je ne sais pas ce qu’ils pensent,
mais je sais ce qu’ils font. Enfin, ne parlons plus de cela, c’est fait, c’est
fait.
    Bridet s’approcha du lit, prit les mains de
sa femme. Il la regarda longuement dans les yeux. Elle n’aimait pas cela. Elle
ne manquait pas de franchise, mais par une sorte de faiblesse physique, quand
on la regardait ainsi, elle baissait les yeux à chaque instant et quand elle
les rouvrait, on sentait qu’elle était honteuse de cette faiblesse.
    — Écoute-moi, Yolande.
    — Je t’écoute, mon chéri, dit-elle en
profitant de ces quelques mots pour détourner encore les yeux.
    — Saussier m’a demandé de revenir. Il
te l’a demandé aussi. Eh bien, nous n’irons pas. Je suis certain que si je
retourne le voir, il ne me laissera plus partir. Ils ont voulu être malins. Ils
m’ont lâché. Je vais en profiter et je vais être plus malin qu’eux.
    — Tu ne peux pas faire ça, dit
Yolande.
    Bridet continua sans paraître avoir entendu
sa femme.
    — Demain matin, nous prendrons le
train. Nous irons à Lyon et de là, à Paris. Les gens sont quand même différents
là-bas. Une fois arrivé, je me débrouillerai pour aller en Angleterre. J’ai été
idiot, en effet, mais pas de la façon que tu penses. J’ai été idiot de m’imaginer
que cette révolution nationale était de la frime.
    — Ne t’énerve pas, mon chéri, dit
Yolande qui n’aimait pas que son mari parlât de lui-même avec cette
désinvolture.
    — À Paris, je trouverai des Français,
d’autres Français, des Français intelligents. Et les Boches sont là. Il y aura
au moins de la solidarité entre

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