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Le piège

Le piège

Titel: Le piège Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuel Bove
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les Français.
    Bridet s’aperçut tout à coup qu’il avait
parlé jusqu’à cet instant d’une voix forte. Il fut pris de crainte. On l’écoutait
peut-être.
    — Tu as raison, dit Yolande, nous
partirons. Mais nous ne sommes pas à une journée près. Pour une fois, soyons
habiles. Puisqu’ils sont bien disposés, profitons-en. Tu seras tout de même
plus tranquille si tu fais ce qu’ils te demandent. Ils ne se méfieront plus de
nous. Et par la suite, tu auras beaucoup plus de chance de réussir dans ce que
tu entreprendras.
    — Parle moins fort, dit Bridet.
    Yolande regarda son mari avec étonnement.
    — Tu es fou. Tu ne t’imagines tout de
même pas qu’ils te surveillent jusqu’ici.
    — Je te dis de parler moins fort.
    Ils se turent un long moment, puis Yolande
dit :
    — Nous irons ensemble voir Saussier.
    Bridet ne répondit pas. Il pensait à autre
chose. Enfin il murmura :
    — Maintenant j’ai compris. Au fond, j’ai
manqué de courage. Je n’ai pas voulu courir de risques. J’ai voulu être en
règle, avoir des papiers, une mission officielle. C’est ça, mon erreur. Je le
comprends à présent. Quand on veut vraiment faire quelque chose, il ne faut pas
avoir peur de s’exposer. Il ne faut surtout rien demander à personne. Il ne
faut compter que sur soi-même. J’ai compris. Vichy m’aura donné une leçon.
Alors c’est entendu, Yolande, n’est-ce pas ? demain, nous rentrons à Lyon.
De là, nous allons à Paris. Une fois à Paris, je trouverai bien le moyen d’aller
sur la côte et de passer en Angleterre. Ce sera plus dangereux, mais ce sera
plus propre.
    Yolande sortit de son lit. Elle mit son
manteau et ses souliers pour ne pas marcher pieds nus dans cette chambre
étrangère.
    — Je ne peux pas t’en empêcher, mon
chéri. Mais je trouve déraisonnable de ta part de toujours manquer de patience.
Tu attends trois semaines et le dernier jour, au moment où tout va être
arrangé, tu agis sur un coup de tête ? À quoi cela va-t-il te servir ?
Ils vont être furieux. Ils étaient décidés à te laisser tranquille. Ils vont
croire que tu as peur. Ils se diront : s’il a peur, c’est qu’il est
coupable. Ils vont te faire rechercher. Je te préviens ils vont te faire
rechercher. Enfin, fais ce que tu veux, mon chéri.
    Yolande eut une expression de lassitude.
Décidément son mari était incorrigible. Il était buté. Il ne voyait pas les
avantages qu’il pouvait tirer d’une soumission apparente. Comme toujours, il
était entier et fier.
    — Cela te jouera un mauvais jour, je t’avertis,
dit-elle.

12.
    Bridet arriva à une heure vingt à Lyon. Le
voyage lui avait paru interminable. À tous les arrêts, il avait craint que des
policiers, prévenus par téléphone, ne montassent dans le train et chaque fois
que celui-ci était reparti, il avait éprouvé un immense soulagement.
    Le matin, le départ s’était effectué le
plus normalement du monde. Malgré ses prédictions, personne n’était venu le
chercher. Yolande n’avait pas tenté une dernière fois de le retenir. Elle lui
avait même fait des recommandations. Enfin, comme il l’avait suppliée de l’accompagner,
elle lui avait répondu qu’elle ne voulait pas se conduire de façon grossière
avec des gens qui avaient été si gentils. « Ils te garderont pour m’obliger
à revenir », avait observé Bridet. « Tu ne sais pas ce que tu dis »,
fut la réponse de Yolande. Et ils avaient décidé que « l’indispensable »
visite rendue, elle prendrait le train de dix-sept heures et arriverait à son
tour à Lyon dans la soirée. Son mari n’avait donc pas besoin de s’inquiéter puisqu’il
la reverrait le jour même.
    Bridet passa l’après-midi à faire des
démarches pour trouver un moyen de franchir la ligne de démarcation, sans
cesser pour cela de penser à Yolande. « Qu’est-ce qu’il y a donc entre eux ? »
se demandait-il à chaque instant. Parfois, il sentait la colère le gagner. Mais
il finissait toujours par s’attendrir en songeant qu’au fond, si sa femme s’exposait
ainsi, c’était par amour.
    À mesure que les heures passaient, son
anxiété grandissait. Que ferait-il si Yolande, malgré sa promesse, n’arrivait
pas par le train du soir ? Il ne pourrait qu’en conclure qu’elle avait été
arrêtée. Il se trouverait dans l’obligation de retourner à Vichy. Et de nouveau
la colère le gagnait. Il l’avait prévu. Il avait averti Yolande. Pourquoi

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