Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
des pêcheurs, il n'y aura personne pour me reconduire, observa-t-elle.
     
    – Vous passerez par le va-et-vient. Je l'emprunte tous les jours. C'est sans danger.
     
    Comme Lamia regardait de leur côté, Ounca Lou se dressa, lui fit signe d'approcher du rivage pour être à portée de voix. Le tirant d'eau du voilier obligea les rameurs à maintenir le bateau loin de la plage. Lady Lamia rejoignit le couple à la nage avec l'aisance de qui se déplace dans son élément naturel. Vêtue d'une courte jupette de peau de chèvre finement tannée, une étroite brassière bridant sa mince poitrine, elle se montra dans ce simple appareil aussi à l'aise que sa jeune filleule dans sa chasuble trempée. Charles observa cette femme longue et mince, hanches étroites et jambes fines ; elle offrait, à près de quarante ans, un corps de naïade propre encore à éveiller le désir. Elle pressa des deux mains sa chevelure afin d'en extraire l'eau, puis secoua vigoureusement la tête pour déployer son impressionnante toison grisonnante, et vint s'asseoir entre l'ingénieur et sa filleule.
     
    Charles remarqua pour la première fois que les deux femmes se ressemblaient : même nez fin légèrement busqué, mêmes pommettes hautes, même bouche charnue, même regard passant en un éclair du velouté à l'adamantin. « Pas étonnant, se dit-il, toutes deux ont du sang Cornfield dans les veines ! »
     
    – Je vous confie Ounca. Mais qu'elle traverse avant la nuit, dit Lamia quand la jeune fille eut exprimé le souhait de profiter de l'invitation de l'ingénieur.
     
    Au moment de se remettre à l'eau pour rejoindre son bateau, Fish Lady se tourna vers Desteyrac.
     
    – Vous ne vous baignez jamais ? Ounca connaît toutes les criques abritées, elle vous accompagnera. C'est une nageuse émérite. Elle tient cela de ses ancêtres sauvages qui ne vivaient que de la mer, dit-elle en frictionnant d'un geste à la fois rude et tendre la tête de la jeune fille.
     
    – Lady Lamia et vous me faites penser à ces amazones qui régnaient sur une île thessalienne et fuyaient le commerce des hommes, dit Charles quand Fish Lady eut regagné son voilier.
     
    – Marraine et moi ne fuyons pas les hommes. Simplement, nous choisissons ceux dont le commerce nous est agréable, répliqua-t-elle en riant.
     
    Dès lors, la conversation retrouva entre eux le charme des entretiens passés. Le tête-à-tête se prolongea sans qu'ils s'en rendissent compte jusqu'au moment où le soleil amorça sa glissade sur l'horizon. L'heure du dîner approchant, Timbo proposa une soupe à la tortue et des filets de mérou que Sima, le pêcheur, venait de livrer. Ounca Lou ne se fit pas prier et la table fut dressée.
     
    – Ici, nous ne disposons ni d'argenterie ni de verres en cristal. Vous êtes dans un abri de chantier pour célibataire, s'excusa Charles.
     
    – Qu'importe, monsieur, le site est agréable et je me sens bien. C'est l'heure la plus exquise dans nos îles et, depuis mon retour de New York, où l'on oublie trop souvent la nature, je ne m'en lasse pas.
     
    – Au fait, comment s'est passé votre séjour à Nassau ? demanda Charles.
     
    – Le mieux du monde. L'océan était calme et les deux traversées furent paisibles. À Nassau, j'ai été accueillie et hébergée par la sœur du pasteur Russell, épouse de l'aide de camp du gouverneur. Ils m'ont fait visiter la ville, les jardins, les vieux forts, et j'ai acheté une robe et un chapeau de paille.
     
    – Le lieutenant Tilloy a dû être lui aussi aux petits soins pour vous, risqua bêtement Charles.
     
    – M. Tilloy est toujours prêt à donner des soins… empressés aux dames et aux demoiselles, répondit Ounca Lou d'un ton moqueur.
     
    Comme Charles se taisait, ayant soudain conscience d'avoir fait montre d'une curiosité niaise, la jeune fille lui dédia un sourire chaleureux.
     
    – Si vous voulez savoir si le lieutenant Tilloy m'a fait la cour, apprenez que je ne suis pas de celles qui acceptent des soins… empressés qu'elles ne désirent pas. M. Tilloy est un gentleman : sa conduite a été irréprochable. Et puis, Nassau regorge de demoiselles qui attendent les soins… empressés des beaux marins de passage, ajouta-t-elle avec un regard interrogateur qui signifiait : « Votre curiosité est-elle satisfaite ? »
     
    Le crépuscule s'annonçait par un rafraîchissement de l'air quand Desteyrac invita la jeune fille à regagner Buena Vista par

Weitere Kostenlose Bücher