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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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plus peut-être de guerres sanglantes vous ayez réussi, supposons l’Italie vaincue prête à vous accepter pour maître. Supposons même une chose impossible : le pape consentant votre royauté, l’Europe ne se levant pas à son appel… Admettons tout cela. Vous voilà en présence de Foscari. Votre rôle est terminé. Le sien commence. Le guerrier s’efface, le diplomate entre sur cette scène rouge de sang que vous avez préparée… Que se passe-t-il alors, à votre avis ? »
    Jean de Médicis avait suivi très attentivement les paroles de Roland. Le pli ironique de ses lèvres avait disparu.
    Cet air de confiance illimitée que reflétait son visage de guerrier heureux s’était évanoui. Roland constata l’effet qu’il venait de produire et se hâta de continuer :
    « Je ne parle pas de la résistance certaine et peut-être victorieuse de Venise elle-même. Venise que ses destinées conduisent à un avenir de liberté, Venise qui regarde vers la mer et non vers la terre, Venise qui aspire à la paix, au commerce, à la gloire des arts, sera sans doute la première à se révolter. Mais je reviens à ma question. Vainqueur, que ferez-vous ?
    – Par le diable, mon patron, je régnerai à Naples, sinon à Rome même ! Qui donc saurait alors m’en empêcher ?
    – Qui ? Votre associé, Jean de Médicis ! Je ne veux pas dire votre complice. Je connais Foscari. Je l’ai percé à jour. Quand vous aurez conquis l’Italie, il y aura un roi unique, et ce roi…
    – Ce sera moi ! » gronda Jean de Médicis en assenant sur la table un coup de poing qui fit trembler les verres dont elle était chargée.
    Mais se reprenant aussitôt, comme s’il eût craint d’avoir dévoilé sa pensée :
    « Foscari sera loyal. Il le sera de force, s’il ne veut l’être de bon gré.
    – Soit, dit Roland, j’en ai donc fini avec les objections qui vous concernent. Il me reste à vous exposer celles qui me sont personnelles. Je vous ai dit les motifs de haine que j’ai contre Foscari. Si vous devenez son associé, vous faites obstacle à ce que j’ai résolu de faire. Jean de Médicis, je vous jure sur ma mère morte de souffrance et de douleur, sur la tête de mon père supplicié, je vous jure que rien au monde ne peut sauver Foscari, du moment que je supprimerai tout obstacle qui se dressera entre le doge et le châtiment que je porte dans ma pensée. »
    Roland se leva, et dit :
    « Réfléchissez, Jean de Médicis.
    – Je crois que vous me menacez ! fit le Grand-Diable en se levant de son côté.
    – Je vous préviens, voilà tout. Foscari, c’est le crime ; moi, je suis la vengeance. Choisissez, Médicis !
    – Mon choix est fait ! rugit le Grand-Diable. Holà ! à moi ! »
    Une douzaine d’officiers se ruèrent dans la tente.
    « Qu’on s’empare de cet homme ! ordonna Jean de Médicis. Et qu’on le garde à vue jusqu’à ce que j’aie statué. »
    Roland fut aussitôt entouré. Il demeura aussi impassible qu’il l’avait été depuis son entrée dans la tente.
    « Médicis, dit-il froidement, je vous ai donné à choisir entre le Crime et la Justice ! Prenez garde ! Il est encore temps…
    – Qu’on l’emmène ! répondit le Grand-Diable.
    – C’est donc vous qui l’aurez voulu !… »
    Roland jeta ce mot sans colère apparente.
    Il parlait encore que les deux officiers les plus rapprochés de lui lui mirent la main à l’épaule.
    On connaît la force herculéenne de Roland.
    Au moment même où il jetait au Grand-Diable une dernière menace, il se ramassa sur lui-même ; sa physionomie si froide jusqu’alors, se transformant, devint terrible, flamboyante.
    Il écarta les deux bras d’un geste foudroyant.
    Les deux officiers roulèrent comme assommés.
    D’un bond, Roland se jeta alors vers la porte de la tente.
    « Arrête ! Arrête ! hurla le Grand-Diable.
    – Trahison ! Arrête ! Arrête ! » hurlèrent à leur tour les huit ou dix officiers restants qui formèrent entre Roland et la porte une barrière hérissée de poignards.
    En même temps, une troupe nombreuse de soldats, attirés par les cris, s’avançaient vers la tente, tandis que les cavaliers de garde formaient un demi-cercle et levaient leurs pistolets. Roland avait tiré la lourde épée de combat qui ne le quittait jamais.
    Il était acculé à un coin de la tente, et d’un effort de géant, avait attiré à lui la vaste table qui lui forma un rempart.
    « Arrête !

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