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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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brocart.
    « Que vois-tu ? demanda-t-il.
    – Je vois, dit Bembo, une ville superbe et majestueuse avec ses dômes, ses flèches hardies, ses mille canaux couverts de gondoles. Je vois un peuple affairé sous un ciel pur que traversent des vols de colombes. Et je me dis, monseigneur, que tout cela est à vous ! Je me dis que si vous êtes aujourd’hui le chef de cette république, vous en serez le maître quand il vous plaira. Voilà ce que je vois, monseigneur !
    – Et moi, dit Foscari, voici ce que je vois ! »
    En faisant faire un quart de tour à Bembo, du doigt il lui désigna la sombre masse du sarcophage de pierre qui unissait le palais aux prisons.
    « Le Pont des Soupirs ! » murmura Bembo en pâlissant.
    Le doge, avec la même lenteur, revint prendre sa place auprès du feu.
    « Je m’approche rarement de cette fenêtre, dit-il alors, car mes yeux sont invinciblement attirés vers le pont maudit que tant de doges avant moi ont franchi en hurlant d’épouvante.
    – Monseigneur…
    – Bembo, je te dis que le sang appelle le sang ! Je te dis que le fils de Candiano rôde autour de moi !… Je te dis qu’il est de par le monde d’inéluctables et mystérieuses justices, et que le justicier approche. »
    Bembo se mit à ricaner :
    « Roland Candiano, monseigneur, ne tardera pas à tomber dans nos mains… et alors !…
    – En attendant, il est libre !… Tiens, Bembo, depuis quelque temps, il me semble que je suis condamné. J’ai surpris autour de moi, dans les yeux de certains officiers, des regards qui m’ont épouvanté…
    – Que ne faites-vous saisir ces hommes ?
    – Je te dis que dans les fêtes mêmes que je donne, des patriciens semblent échanger des paroles que je n’entends pas, mais qui résonnent sourdement dans ma pensée…
    – Pourquoi ces gens sont-ils encore libres et vivants ?…
    – Patience, Bembo ! fit le doge en posant sa main sur une feuille de papier qui était devant lui. Voici la liste. Elle s’allonge tous les jours. »
    Bembo jeta un regard sur le papier et vit qu’une centaine de noms y étaient déjà inscrits.
    « Patience ! reprit le doge ; je frapperai un coup si terrible que, de vingt ans, Venise n’osera lever la tête… Mais, pour cela, il faut d’abord deux choses. D’abord que Candiano soit pris. Tant que cet homme sera libre, tant qu’il sera à la tête des bandes qu’il a organisées, j’ai tout à redouter, et il faut que Venise n’ait pas peur de moi !… Puis il faut aussi, il faut surtout que Jean de Médicis accepte l’alliance. Comprends-tu ma force alors ! Comprends-tu la terreur qui frappera ceux qui conspirent lorsqu’ils sauront que l’armée du Grand-Diable est à ma disposition !… Alors, vraiment, je serai le maître… alors je pourrai agir…
    – J’admire votre génie ! dit Bembo avec un accent de sincérité réelle.
    – Comprends-tu ? continua le doge en s’animant. Comprends-tu maintenant pourquoi j’ai songé à Jean de Médicis ? Comprends-tu que j’attende le retour de Pierre Arétin avec l’impatience frénétique du condamné au moment où les juges ont prononcé leur arrêt ?
    A ce moment, le serviteur qui entretenait le feu et qui était le valet de confiance de Foscari entra.
    Il présenta au doge une lettre sur un plateau d’argent, et dit :
    « Messire Pierre Arétin fait apporter cette missive à Monseigneur et le supplie de l’excuser : malade, au lit, il ne peut venir lui-même. »
    Le doge avait saisi la lettre.
    Le valet, s’étant incliné, avait disparu.
    Foscari ouvrit la large enveloppe et lut les premières lignes.
    Il devint livide et la lettre lui tomba des mains.
    Bembo la saisit et, à son tour, parcourut les premières lignes.
    Elles étaient ainsi conçues :
    « Au très puissant et très illustre seigneur doge de la sublime république de Venise.
    Monseigneur,
    Daigne Votre Haute Excellence me pardonner ; ce que j’ai à dire est si affreux que le courage me manque, en même temps que les forces. Si triste est la nouvelle dont je suis le désolé messager que tout à l’heure, en arrivant, j’ai dû prendre le lit, malgré les soins empressés de mes serviteurs, malgré une excellente tisane que me fit avaler Périna, l’une de mes servantes.
    En un mot, voici cette nouvelle terrible que j’écris en tremblant :
    L’illustre Jean de Médicis est mort…
    « Mort ! Le Grand-Diable est mort ! » exclama sourdement

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