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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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instant.
    Des centaines de soldats se mirent à battre les épais bouquets de chênes… Toute recherche fut inutile : Roland avait disparu.
    La colère de Jean de Médicis fut terrible. Tout ce qu’il connaissait de jurons et d’imprécations, il le vociféra.
    Mais comme il était homme de méthode, comme d’ailleurs il avait bu plus que de raison et qu’il se sentait les paupières lourdes, il remit à plus tard sa vengeance contre le fugitif, et se jetant sur son lit de camp, s’endormit d’un profond sommeil.
    A l’aube selon les ordres qu’il avait donnés, il fut réveillé.
    Il monta aussitôt à cheval, avec quelques officiers, et suivi d’une centaine de cavaliers seulement, se dirigea vers Governolo dont les remparts se dressaient à une demi-lieue du camp.
    Il s’enquit tout d’abord de savoir si on avait retrouvé le fugitif, et comme on lui répondait qu’aucune trace n’en avait été trouvée, il secoua la tête en grommelant :
    « Roland Candiano m’a menacé, il m’a mortellement offensé. Je le retrouverai. Et ce jour-là, il subira le même supplice que son père. »
    Là-dessus, il piqua droit vers les remparts.
    Jean de Médicis avait résolu de donner assaut à la forteresse de Governolo le lendemain ou le surlendemain. L’aventure de la nuit précipita sa décision. Il prit le parti de marcher le jour même.
    En effet, la conversation qu’il avait eue avec Roland Candiano lui avait ouvert de nouveaux horizons. Les propositions de Foscari l’enthousiasmaient. Et il voulait agir vite afin d’envoyer aussitôt après la prise de la forteresse un émissaire au doge de Venise.
    L’émissaire devait d’abord dire à Foscari que Jean de Médicis acceptait en principe le projet d’alliance, et lui indiquer un jour et un lieu de rendez-vous.
    Puis il devait aussi lui recommander de se défier de Roland, de s’emparer de lui et de le livrer au Grand-Diable.
    Ces divers projets arrêtés dans son esprit, Jean de Médicis ne songea plus qu’à assurer le succès de l’assaut.
    Pour cela, il voulait étudier une dernière fois les abords de la forteresse et trouver son point faible, afin de concentrer sur un seul côté tous ses efforts.
    C’était une tactique qui jusqu’ici lui avait toujours réussi : il lançait toutes ses troupes sur un point unique, faisait la brèche ou jetait des échelles et entrait.
    Un temps de galop d’un quart d’heure l’amena à une portée de mousquet des remparts.
    Alors, il fit faire halte à sa troupe et s’avança suivi seulement de deux de ses lieutenants à qui il voulait donner des instructions précises.
    Il allait au pas, étudiait la situation avec ce soin qui était une des principales causes de ses succès antérieurs.
    Sur les remparts de Governolo, il y avait peu de monde.
    Des soldats en sentinelle suivaient des yeux la manœuvre de Jean de Médicis. Ils le saluèrent de quelques coups d’arquebuse, et le Grand-Diable, tout en continuant sa route, se contenta de se mettre hors de portée.
    Il s’arrêta enfin à l’ouest de la forteresse.
    Là, les remparts étaient évidemment en mauvais état ; quelques coups de bombarde devaient facilement pratiquer une brèche.
    Les assiégés, surpris par la brusque arrivée de l’armée de Médicis, n’avaient pas eu le temps de réparer ce côté et s’étaient contentés de boucher avec des pièces de bois les trous de la muraille, plutôt pour essayer d’en masquer le délabrement que dans l’espoir de les renforcer.
    En outre le fossé, qui était partout à pic, était de ce côté d’une descente praticable. Sans doute les habitants avaient pris l’habitude de descendre à cet endroit dans le fossé, des sentiers s’étaient peu à peu établis, des terres avaient déboulé.
    Le Grand-Diable, ayant fait ces remarques, tressaillit de joie.
    « Governolo est à nous », dit-il.
    Comme il disait ces mots, deux coups de feu retentirent successivement.
    Les deux officiers qui accompagnaient Jean de Médicis tombèrent, l’un tué sur le coup, l’autre grièvement blessé à l’épaule.
    Le cheval du Grand-Diable se cabra.
    Mais son cavalier le maintint en place.
    Jean de Médicis était d’une bravoure physique à toute épreuve ; sa témérité était proverbiale. Au lieu de rendre la main au cheval effrayé qui voulait fuir, il le tint dans les rênes et regarda autour de lui. En avant des remparts, d’une touffe de ronces, un homme s’était levé. C’était

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