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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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hagard.
    – C’est dans la lettre, monseigneur.
    – Continue ! continue !… »
    Le cardinal poursuivit d’une voix étranglée :
    Au lever du jour, sa raison lui revint. Mais le mal avait empiré. Il fit son testament, distribua beaucoup de cadeaux à ses amis, et voyant le confesseur arriver :
« 
Mon Père, dit-il, mon métier est celui des armes, j’ai vécu comme un soldat. J’aurais vécu comme un moine si j’avais porté votre habit. Je n’ai rien à confesser… et cependant… cependant… oui, je crois… que j’aurais dû écouter… celui qui est venu… »
    Il
fut alors évident que sa raison l’abandonnait à nouveau. Bientôt la mort qui l’appelait sous la terre annonça son approche. Parents et domestiques vinrent sans ordre et en foule assiéger son lit. Lui, appelait ses soldats. Mais le seigneur de Gonzague ne leur avait pas permis d’entrer dans Mantoue. Il essaya de parler de la guerre. Puis, tout à coup, il ferma les yeux en prononçant un nom que nul n’entendit. Et il expira tandis que tous les assistants éclataient en larmes.
    Tels ont été, seigneur Doge, les derniers moments de cet homme d’une vigueur d’âme extraordinaire, dont toutes les paroles étaient des actions. L’Italie saura bientôt ce qu’elle a perdu.
    Quant à moi, je perds une illustre amitié, et ma douleur serait consolable si je n’avais eu au moins cette dernière joie bien triste et bien amère de le revoir à l’heure de sa mort et de lui montrer combien je lui étais attaché.
    Cette joie, monseigneur, si douloureuse, n’en est pas moins une joie dans un cœur où l’amitié exerce des droits souverains. Et c’est à vous que je la dois. Je vous en aurai toute la vie une reconnaissance digne de vous et de moi, digne aussi de celui qui a voulu que je fusse envoyé par vous à Jean de Médicis en un tel moment.
    Pardonnez-moi de ne pouvoir moi-même vous apporter, avec cette triste nouvelle, l’hommage de l’affection et de l’admiration que vous m’avez inspirées. Les larmes qui ne cessent de couler de mes yeux m’eussent sans doute empêché de parler.
    Je suis, monseigneur, de votre illustre Excellence, le très fidèle et très obéissant serviteur.
    PIERRE D’AREZZO.
    Bembo, ayant achevé la lecture de cette lettre, regarda silencieusement le doge. Foscari semblait abattu. Cet homme si fort qui, depuis de longues années, suivait avec une implacable rigueur la ligne ascendante que s’était tracée son ambition, qui ne s’était jusqu’alors laissé terrasser par la mauvaise fortune ni étourdir par la bonne, murmura avec un visible accablement :
    « Cela est un terrible malheur.
    – Un revers tout au plus, dit Bembo.
    – Un revers qui peut être le commencement d’un désastre.
    – Monseigneur, je vous ai vu plus calme dans des circonstances plus périlleuses.
    – C’est qu’alors les circonstances seules menaçaient.
    – Que voulez-vous dire, monseigneur ? »
    Le doge se leva, saisit la lettre de l’Arétin, la parcourut comme pour bien se convaincre qu’il n’y avait plus d’espoir possible.
    Son doigt se posa sur cette ligne qui, relatant l’agonie du Grand-Diable, répétait les mystérieuses paroles échappées à son délire.
    Bembo tressaillit.
    « C’est le Justicier qui vient ! murmura-t-il en lisant.
    – Oui, Bembo, dit le doge, ne vois-tu pas quelque chose d’extraordinaire dans ce fait que Jean de Médicis a succombé sous les coups de Roland Candiano ?
    – Il n’est pas prouvé que ce soit lui !
    – Allons donc ! C’est lui, te dis-je ! C’est lui !
    – Candiano n’a jamais eu la moindre relation avec Jean de Médicis. Candiano était à Venise il y a une dizaine de jours. Il est poursuivi, traqué. Quelle apparence qu’il ait été trouver Jean de Médicis dans son camp ? Et même, si cela était, pourquoi l’aurait-il tué ?…
    – Pourquoi ? gronda sourdement le doge, pourquoi ?… Ne vois-tu pas que cet homme a su mes intentions. Comment ? Je ne sais. Mais il a su ! Je vois clair dans ce sinistre événement. Roland Candiano a vu Jean de Médicis, parce que Jean de Médicis pouvait et devait me sauver !
    – Il faut savoir l’exacte vérité ! s’écria Bembo qui se leva en frémissant. Je vais de ce pas chez l’Arétin. Dans une heure je saurai…
    – Va, mon ami, va et reviens vite… » Bembo sortit en toute hâte.
    L’abattement du doge le gagnait ; mais, chez lui, cet abattement

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