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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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alors ?
    – Alors, Roland Candiano sera pris. »
    Foscari secoua la tête. Le coup l’avait découragé.
    « Non, Bembo, non ; Candiano ne tombera pas en notre pouvoir. Je me sens pris moi-même dans quelque formidable engrenage. La fatalité est sur moi. En vain, je me débats. La mort du Grand-Diable survenant en un tel moment est un irréparable désastre, voilà ce qu’il y a de plus terrible.
    – Monseigneur, dit Bembo d’une voix calme, vous êtes perdu, en effet, parce que vous consentez à la perte. Résistez et vous serez sauvé. Vous parlez de fatalité. Il y a des concours de circonstances que la volonté puissante des hommes réellement forts agrège ou désagrège. La situation est simple, après tout. Si vous attendez, vous serez frappé. Si vous frappez le premier, le danger s’évanouit. »
    Bembo, en parlant ainsi, avait redressé sa taille.
    Il apparaissait en ce moment ce qu’il était réellement : l’inspirateur de Foscari, l’âme damnée du terrible doge, le mauvais génie de Venise.
    « Que faire, Bembo ? Que faire ? Conseille-moi… Je n’ai confiance qu’en toi ! Toi seul m’as jusqu’ici guidé…
    – Parce que ma fortune, monseigneur, est indissolublement liée à la vôtre ; si vous succombez, je succombe. Si vous montez vers les sommets des hautes puissances, vous m’entraînez dans votre ascension. Un autre vous parlerait d’amitié fidèle, de reconnaissance… Moi je vous dis seulement que votre grandeur est la garantie de la mienne. Moi je ne crois pas à l’amitié, moi je ne crois qu’à la force de la volonté. Et c’est pourquoi, monseigneur, vous avez confiance en moi ; vous avez en moi la même confiance que j’ai en vous. C’est pourquoi, aussi, à nous deux, nous formons une force. Je crois sincèrement que seul, c’est-à-dire sans moi, vous seriez en danger. Je crois que sans vous je retombe misérablement dans cette situation d’ignominie dont vous m’avez tiré. Restons donc unis ; soyons-nous l’un à l’autre un appui sûr et infaillible. Que, dans un moment de désolation, vous ayez la certitude que quelqu’un est là, près de vous, qui pense, combine pour vous, qui est prêt, sur un signe de vous, à tout oser, tout entreprendre… Songez à ce que nous pouvons en de pareilles conditions…
    – Oui, Bembo, je sais et j’ai confiance en toi. »
    La tirade du cardinal, modérée dans la forme, profondément subtile et habile dans les pensées qu’elle exprimait, avait produit une impression violente sur l’esprit du doge.
    Il répéta.
    « Que faire, Bembo ? conseille-moi… »
    Mais ce fut sur un ton plus ferme et qui annonçait la volonté d’agir.
    « Que faire, monseigneur ? dit Bembo. C’est facile. »
    Il se leva, s’approcha de la table et, lourdement, comme s’il eût assené un coup, posa sa main sur la feuille que le doge lui avait montrée et qui contenait déjà une centaine de noms :
    La liste de proscription !
    Le doge comprit.
    « C’est toute une révolution, dit-il.
    – Je le sais, monseigneur. Aussi faut-il vous entourer des précautions nécessaires. Pouvez-vous compter sur les soldats ?
    – Altieri m’est tout dévoué.
    – Oui, celui-là est inébranlable dans sa fidélité parce que celui-là aussi a attaché sa fortune à la vôtre. Altieri fera des soldats ce qu’il voudra. Il les a fanatisés. C’est une grande force. Voici donc ce qu’il faut faire : il faut dès aujourd’hui faire venir Altieri et prendre avec lui les mesures nécessaires à l’arrestation des suspects. Il sera bon que Dandolo soit au courant de ce qui se prépare afin qu’il sonde le Conseil des Dix. Si, dans le Conseil, il y avait des hésitants, c’est par eux qu’il faudrait commencer. »
    Déjà le doge écrivait deux lettres.
    Une pour Altieri, l’autre pour Dandolo.
    Les lettres qui appelaient le capitaine général et le Grand Inquisiteur au palais ducal furent aussitôt envoyées.
    Bembo se retira. Au moment où il allait disparaître le doge lui saisit la main.
    « Et Candiano ? demanda-t-il.
    – Je m’en charge ! » répondit Bembo.
    Bembo venait de donner un effort grave en parlant au doge comme il venait de le faire. Il connaissait Foscari, et avait essayé de le mettre dans la situation d’esprit qui lui semblait indispensable.
    Il s’en allait méditant, répondant d’un geste distrait aux profondes salutations qui l’accueillaient au passage – les unes réellement

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