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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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commençait à blanchir à l’horizon, la tartane cingla alors directement sur la côte. Une demi-heure plus tard l’ancre fut jetée et les voiles amenées.
    « Devrai-je vous attendre ici ? demanda le patron à Roland.
    – Non ; tu regagneras Venise sans attendre. »
    Le canot fut mis à l’eau. Bembo, toujours ligoté, y fut descendu. Il était livide, mais il gardait les yeux obstinément fermés. Le canot gagna rapidement la terre. Là, une voiture fermée attendait. Bembo y fut jeté et la voiture s’éloigna au galop.
    Alors le canot retourna à bord. Et ce fut au tour de Bianca d’être déposée à terre. Roland avait pris place près d’elle. Une deuxième voiture, découverte celle-ci, attendait. Roland et la jeune fille y prirent place. La voiture partit rapidement, et s’arrêta vers neuf heures du matin devant une maison isolée.
    Cette maison, c’était celle où Roland avait installé son père et Juana. Roland y séjourna environ deux heures. Lorsqu’il en sortit, il était seul ; désormais, autour du vieux Candiano, il y avait deux femmes, c’est-à-dire deux dévouements.
    Roland prit, à cheval, la route de Trévise, puis de Nervesa. Il arriva aux gorges de la Piaye.
    Il mit enfin pied à terre devant la Grotte Noire où il pénétra aussitôt.
    A l’entrée veillait un jeune paysan armé d’une arquebuse.
    « L’homme est arrivé ? lui demanda Roland.
    – Oui, maître.
    – On l’a mis dans la salle que j’avais indiquée ?
    – Oui, maître.
    – Rien de nouveau dans les environs ?
    – Sandrigo est revenu rôder par ici. Mais il nous a échappé encore. »
    Roland passa outre et s’enfonça dans les profondeurs de la grotte. Evidemment des travaux considérables avaient été exécutés. La caverne s’était transformée.
    Roland longea une sorte de couloir, descendit un escalier et s’arrêta enfin devant une porte massive. Là encore veillait un homme qu’éclairait une lanterne accrochée à la muraille.
    « 
Les chefs sont-ils là ? » demanda Roland.
    L’homme répondit par un signe de tête affirmatif.
    « Bien. Dis-leur de venir. »
    L’homme s’éloigna. Roland prit la lanterne d’une main, s’assura de l’autre que son poignard fonctionnait dans sa gaine, puis il ouvrit la porte devant laquelle il s’était arrêté et entra.
    La salle dans laquelle il se trouva était une sorte de cachot où l’air pénétrait par une cheminée d’appel qui s’ouvrait en haut de la muraille et allait aboutir dans la grotte.
    Roland examina le cachot et eut un sourire inquiétant.
    « C’est parfait, murmura-t-il. Ici la porte, comme là-bas, avec les mêmes ferrures… Et voici le guichet pour la nourriture… le pain et la cruche d’eau… Et voici le lit de pierre, les dalles, les mêmes murs !… Tout y est bien ! »
    Il frissonna devant cette évocation de ses années passées dans les puits de Venise. En effet, cette salle de la Grotte Noire, ce cachot presque sans air et tout à fait sans lumière, c’était la reconstitution exacte du cachot qu’il avait si longtemps habité !…
    Cependant six hommes étaient entrés dans le cachot.
    « Amenez le prisonnier ! » dit Roland.
    Quelques instants plus tard deux hommes entrèrent, qui en traînaient un troisième par les bras. Ils l’assirent sur le lit de pierre.
    « Que me voulez-vous ? gronda-t-il d’une voix rauque.
    – Vous allez le savoir, Bembo ! dit une voix.
    – Le secrétaire de l’Arétin ! murmura Bembo terrifié. Ah ! je savais bien que cet homme me serait fatal ! »
    Et, machinalement, il leva les yeux vers celui qui venait de parler et qui, s’avançant d’un pas, s’était placé de manière que la lumière de la lanterne éclairât son visage. Bembo poussa un cri d’horreur et se mit à trembler de tous ses membres :
    « Lui ! lui !…
    – Détachez-le, » dit Roland.
    Les cordes des jambes et des mains furent déliées. Bembo, dès qu’il fut libre, se réfugia en titubant dans un angle du cachot.
    « Tu me reconnais, Bembo ! dit Roland.
    – Roland Candiano ! »
    Il se laissa lourdement tomber à genoux, et, dans un geste instinctif, tendit ses bras suppliants.
    « Oui, dit Roland, je vois que tu me reconnais maintenant.
    – Grâce ! balbutia Bembo.
    – Tu te reconnais donc coupable ?
    – Oui ! oui !… J’ai été coupable ! Je fus criminel !… Mais vous ! vous qui étiez l’incarnation de la générosité, vous me

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