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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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ingénus, vivant comme des fleurs au soleil d’été. Mais nous avons tous été jeunes un jour, nous avons tous rêvé. Je les comprenais. Ils m’ont taquinée à propos de mon voeu de chasteté et de la règle de Saint-Benoît. Cependant (elle sourit derechef), ils avaient l’air honnêtes. Je leur ai donné de l’ouvrage sur nos terres. Ils jardinaient, nous débarrassaient des ordures, désherbaient par-ci, taillaient les haies par-là, nettoyaient les appentis et curaient les latrines. Ils ont toujours travaillé dur et je les ai toujours payés.
    — Et vous, Maître Benedict ?
    Le chapelain s’empourpra et agita les pieds avec embarras.
    — Certaines des jouvencelles me plaisaient beaucoup. Elles étaient jolies, gracieuses. Elles raillaient mon célibat et me demandaient pourquoi je n’imitais point la pauvreté du Christ. Je reconnais, Sir Hugh, que je n’ai rien trouvé à répondre. Nous n’avions pas les mêmes convictions, mais leurs intentions étaient bonnes. Je suis navré de leur trépas.
    — En êtes-vous bien sûr, êtes-vous bien sûr qu’ils sont tous morts ? insista Corbett.
    — Oui, intervint Dame Marguerite. Quand j’ai ouï parler de l’agression, je ne pouvais croire que le groupe entier avait péri. J’ai prié frère Benedict d’aller à Mordern. Il connaissait chacun d’entre eux, au moins de vue si ce n’est de nom. Quand il est revenu, il m’a annoncé que tous étaient morts. Je ne partage pas l’avis de mon frère : il se peut qu’ils aient mérité d’être exécutés, il se peut qu’ils aient été une menace pour la paix, mais à présent qu’ils ont quitté ce monde, nous devons les enterrer.
    — Et il en ira ainsi, décida Corbett en se redressant. Je suis porteur du mandat royal en la matière. Demain matin, Lord Scrope, nous nous rendrons à Mordern, moi et quelques-uns de vos hommes. Nous rassemblerons les cadavres. Si le sol est trop dur, ce que je crains, nous les brûlerons. Père Thomas, Maître Benedict, vous serez les bienvenus. J’aimerais qu’on bénisse les corps, qu’on pratique les rites funéraires et qu’on récite quelques prières. L’oeuvre de Dieu et celle du roi seront accomplies, je m’y engage.
    Les deux prêtres acceptèrent. Lord Scrope fit une grimace et détourna le regard.
    — Une dernière chose, ajouta le magistrat.
    Il leva la main.
    — Lord Scrope, vous êtes rentré d’Acre il y a environ douze ans ; pourtant tous ces événements n’ont eu lieu qu’au cours des douze derniers mois.
    Il s’interrompit.
    — Permettez-moi donc d’ordonner la chronique de façon claire dans mon esprit. Les Frères du Libre Esprit sont bien arrivés l’année dernière au début du carême, dans les premiers jours de mars 1303, n’est-ce pas ?
    Tout le monde acquiesça.
    — Ils se sont installés dans le village abandonné qui se trouve dans la forêt de Mordern. Ils furent d’abord bien acceptés. Vous, Messire, n’avez guère apprécié certains de leurs enseignements, mais ils ne semblaient pas dangereux.
    Nouveau murmure d’acquiescement.
    — Ils ont travaillé dans l’église paroissiale, continua Corbett, où ils ont exécuté une fresque remarquable. Puis, en novembre dernier, Lord Scrope, vous avez commencé à soupçonner qu’ils dissimulaient leurs véritables intentions : ils affûtaient des armes, s’exerçaient à l’arc et sont allés à Orwell. Vous avez décidé de frapper, et l’Avent n’était pas passé qu’ils étaient tous morts. Au Nouvel An, le Sagittaire a surgi, exerçant la vengeance partout où il le pouvait. Tout cela s’est donc passé l’année dernière. Alors qu’est-ce qui a changé ? Vous, Maître Benedict, y a-t-il longtemps que vous êtes en Angleterre ?
    — Oh, à peu près quinze mois, répondit le chapelain, l’air hésitant. Comme je vous l’ai dit, Sir Hugh, je me suis bien acquitté de ma tâche à Bordeaux et on m’a donné des lettres de créance pour Madame l’Abbesse ici.
    — Oui, oui, et vous, frère Gratian ?
    — Je suis le confesseur de Lord Scrope depuis environ un an. Il a écrit à notre maison mère de Blackfriars pour demander qu’on lui propose quelqu’un. On m’a choisi, et j’ai été fort heureux de venir.
    Le magistrat s’apprêtait à continuer quand une trompe de chasse mugit dans la nuit. Ni l’épaisseur des murs du manoir ni les volets clos ne pouvaient étouffer le bruit menaçant. Corbett crut avoir mal entendu,

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