Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
étaient noires de fumée et, sur le sol, la jonchée {17} n’était plus qu’un amas de roseaux bourbeux. Les volets de la plupart des fenêtres étaient clos. Bien qu’on eût allumé des lanternes, des chandelles et des lampes à huile, leur lumière ne suffisait ni à dissiper la pénombre ni à distinguer clairement les silhouettes sombres assises aux tables. Corbett, la main sur le pommeau de son épée, traversa la pièce sans se presser. Il vit des têtes se tourner sur son passage ; il ouït des chuchotements, des exclamations à propos de l’« envoyé du roi ». Le tavernier sortit de derrière son comptoir en s’essuyant les mains sur un chiffon crasseux.
    — Que puis-je vous servir, Messires ?
    Corbett déclina l’offre d’un signe de tête. Il ôta son gantelet, fouilla dans son escarcelle et en tira une pièce d’argent qu’il fit tournoyer devant les yeux avides de l’hôte.
    — Trois hommes habillés en mendiants logent-ils ensemble ? murmura-t-il.
    L’aubergiste s’apprêtait à mentir. La pièce d’argent tourbillonna à nouveau et la main du magistrat se posa sur la garde de son épée.
    — Montez l’escalier, Messire, déclara-t-il. Sur le palier, la porte devant vous. Elle n’a ni serrure ni verrou. Il suffit de la pousser.
    Corbett et Ranulf, épée et poignard à la main, gravirent en hâte les marches poisseuses. Corbett ne prit pas la peine de frapper, mais ouvrit l’huis d’un coup, Ranulf s’empressant sur ses talons. À l’intérieur, les hommes qui, accroupis sur le sol, jouaient aux dés, tentèrent tant bien que mal d’atteindre leurs ceinturons et leurs arcs entassés dans un coin. Ranulf, plus rapide, en bouscula un au passage et se plaça entre eux et leurs armes. Un instant, tout ne fut que confusion. Les hommes reculèrent, mais la misérable petite chambre aux coins tapissés de toiles d’araignée, aux murs écaillés et à l’étroite fenêtre ouverte n’offrait pas de refuge. Des paillasses étaient roulées en tas contre un des murs. Sur une petite étagère proche, il y avait un vase de nuit. L’air sentait le renfermé et le plancher sale était éclaboussé de graisse. À première vue, les occupants ne paraissaient pas déplacés, avec leurs grossiers pourpoints, leurs hauts-de-chausses et leurs bottes élimés, mais leurs ceinturons étaient en cuir luisant, les pommeaux de leurs épées et de leurs dagues ciselés avec goût et leurs arcs étaient l’oeuvre d’un homme de métier. Corbett, menaçant, s’avança et tous les trois reculèrent encore. Ils étaient débraillés et échevelés, le visage presque caché par leurs cheveux épars et leur barbe, pourtant, de toute évidence, ce n’étaient pas des mendiants, mais des soldats aguerris à l’oeil vif. Ils n’avaient pas peur ; ils étaient simplement sur leurs gardes, prêts à profiter de la moindre erreur de leurs visiteurs inattendus. Corbett rengaina son épée et s’assit sur ses talons. Il les montra du doigt.
    — Qui êtes-vous ? Vous n’êtes point des vagabonds. Vous mendiez de la nourriture que vous ne mangez pas. Vous vous terrez dans le galetas d’une taverne et je parie que vous n’en sortez que pour rencontrer frère Gratian. Je vais vous dire qui vous êtes, Messires. Des templiers.
    Il les scruta, l’un après l’autre. L’homme, au centre, était plus âgé, cheveux et barbe striés de gris, yeux verts étincelants dans un visage noirci par le soleil.
    — Oui, des templiers, reprit le magistrat. Vous, Messire...
    Il désigna du doigt le soldat du centre.
    — ... vous êtes un chevalier et vos compagnons sont vos écuyers. Le Nouveau Temple, à Londres, vous a dépêchés ici pour récupérer le Sanguis Christi.
    Il s’interrompit. Son interlocuteur, aux aguets, se taisait.
    — Nous nous sommes déjà rencontrés, ajouta Corbett, sur la route qui sort de Mistleham, mais vous étiez alors masqués et encapuchonnés. Vos arcs étaient bandés, flèches pointées vers moi, l’émissaire du roi. Templiers ou non, vous n’ignorez pas que c’est félonie, n’est-ce pas, que de menacer de ses armes le propre envoyé du souverain ? Je pourrais vous faire descendre sur la place et vous y pendre sans autre forme de procès. Vous êtes venus ici déguisés en mendiants pour vous emparer du Sanguis Christi dont vous pensez qu’il appartient en toute justice à votre ordre. Il était entre les mains de Lord Scrope, mais voilà qu’il a disparu.

Weitere Kostenlose Bücher