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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’attira un rire.
    – Nous y voilà, dit Boucicaut. Regardez-moi cela !
    Bien qu’ils en fussent distants d’au moins cinquante toises, le maréchal s’était arrêté pour admirer le donjon comme il l’eût fait d’un géant immobile, d’une force et d’une carrure à couper le souffle. Comme chaque fois qu’il passait à proximité, Tristan considéra le sommet inachevé du colosse, puis l’enceinte carrée, talutée, entièrement couronnée par un crénelage à mâchicoulis et flanquée, à ses angles, de quatre grosses tourelles en encorbellement, à deux étages, également crénelées. En avant de l’entrée, ouverte dans un châtelet encadré de deux portières rondes, le pont-levis baissé se trouvait enserré par deux échauguettes. Et au-dessus de ces défenses s’élevait le formidable cube de pierre, lui aussi flanqué de quatre tours cylindriques dont l’érection se poursuivait conjointement avec les aménagements intérieurs.
    – J’ignore si vous le savez, mais il y aura, compère, au nord d’une de ces tours, un ouvrage carré ou rectangulaire – je ne puis vous en dire davantage – destiné à supporter des engins capables de battre le fossé et les abords de la courtine voisine du château… Et ce que j’ai appris, encore, c’est que ce donjon aura vingt-six toises 152 de haut et trente-trois du fond des douves qui le contourneront. Six étages voûtés… Un chemin de ronde ceinturera le sixième… Pour moi, c’est la huitième merveille du monde !
    C’était peut-être exagéré, mais la joie de Jean le Meingre, disant cela, était belle à voir. Il en avait redressé sa taille et pour un peu, il eût salué sa merveille de son épée.
    – J’aime ces murs crestelés et cette tour bien bataillie 153  !… Venez.
    – Et le Château-Gaillard, messire ? demanda Paindorge.
    Plutôt que de le rabrouer pour s’être immiscé dans un entretien auquel il n’était pas convié, le maréchal lui tapa sur l’épaule :
    – Pourquoi voudrais-tu que j’en parle puisqu’il est anglais de naissance ?
    L’ombre des tours portières les ensevelit. Ils traversèrent un ponceau et fléchirent le buste tandis que Boucicaut grommelait contre les huissiers qui avaient laissé la herse à demi baissée.
    – Mordieu ! Croient-ils que les Goddons vont nous assaillir cette nuit ?
    Le portail franchi, une cour se présenta où se dressaient quelques échafaudages. Des maçons, des tailleurs de pierre et d’images y œuvraient de la truelle ou du ciseau, et si midi vidait la grande cour du château, ici c’était encore l’animation des hommes de peine, les cris et les appels assourdis par les tintements des marteaux, les grincements des scies à bois ou à pierre, les heurts des planches et soliveaux portés sur l’épaule et basculés au sol ; les couinements des poulies au bout de leur garouenne et parfois, dominant le tout, les imprécations des charretiers tirant les brides d’un mulet attelé à quelque binard lesté de gros moellons ou d’un charreton alourdi de mortier, de sable ou des débris de pierres, madriers et graviers qui jonchaient le pavé gras. Tristan entrevit des visages maussades, et même hostiles ; cependant, la plupart des ouvriers semblaient indifférents à la venue de ces trois hommes dont le plus âgé les avait salués d’un geste large et amène.
    – Voyez, dit Boucicaut en désignant le châtelet de défense, il nous faut monter dans cette tour. Ensuite, pour pénétrer dans le donjon, nous emprunterons ce petit pont et ce pont-levis, à hauteur du premier étage…
    Paindorge et Tristan échangèrent un regard enjoué.
    – Peut-être, monseigneur, dit Paindorge qui s’enhardissait, aimeriez-vous vivre continuellement à Vincennes.
    – Dieu m’en préserve ! J’aime trop mon épouse, mes enfants et mon château pour demeurer en ce lieu, si plaisant et rassurant soit-il.
    Ils s’engagèrent dans la volute d’un escalier dont le maréchal enjambait les hauts degrés d’un pas ferme :
    – Vincennes défiera non seulement le ciel, mais Windesore et Westmoutiers… Parfois, je me demande si un châtelet de bois et de grandes victoires ne vaudraient pas mieux que cette beauté de pierre et nos échecs !
    Avant d’entrer dans le donjon, Boucicaut s’arrêta au milieu de la passerelle et observa les ouvriers comme un amiral eût assisté, du haut de son château de poupe, aux manœuvres de ses mariniers. Deux hommes

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