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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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en nature. Mais quoi ? Un autre soudoyer se serait-il trouvé à sa place que j’eusse dit la même chose. » De cela, il n’eût pu jurer. Il avait préféré d’emblée Paindorge aux quatre autres. De caractère ouvert, il était son aîné de dix ans ; il n’avait cessé, depuis sa jeunesse, de guerroyer dans l’armée de Jacques de Bourbon, non par goût des combats mais par nécessité : au moins là, on mangeait et dormait son content, disait-il, sans souci qu’on pût aussi mourir. C’était un Parisien de belle charnure, avec une tête aux cheveux ras, et dont le nez petit et les oreilles collées aux tempes lui faisaient une face lunaire. Il ne parlait qu’à bon escient, buvait et mangeait modérément et passait ses loisirs à l’entretien des armes. Certes, il était loin de valoir Tiercelet, cette création de la Providence, mais il serait un écuyer convenable.
    À la suite de Jean le Meingre, ils durent repasser par la barbacane d’entrée, franchir le pont de pierre jeté sur le fossé où stagnaient des mares d’eau pâle, et traverser la grande cour. Là se croisaient, dans un bruyant désordre, quelques chevaliers, la lance à l’épaule, sur des coursiers sans parures, des arbalétriers se formant en compagnie, des palefreniers conduisant des chariots de fourrage et des hommes œuvrant à des tâches diverses : terrassiers, charpentiers, forgerons, fourbisseurs.
    – Vous plaisez-vous céans ? demanda Boucicaut.
    – Je me plairais davantage, messire, à me revancher sur les routiers qui m’ont pris ou à guerroyer contre les Goddons, qu’à traîner tout le jour mon désœuvrement et à regarder monter vers le ciel ce donjon énorme et redoutable… L’on m’a déconseillé d’y aller pour ne pas alentir, ne fût-ce qu’un moment, la tâche des ouvriers.
    – Cela, ce sont les injonctions de Raymond du Temple. Mais avez-vous vu déjà un chevalier s’incliner devant un architecte ?… Vincennes deviendra un château grandiose… Moi, je trouve le Louvre lugubre. Et vous ?
    – Pareillement… Mais pour tout vous avouer, messire, je rebâtis souvent dans mon esprit les tours de Carcassonne et de Castelreng, le châtelet où je suis né ; celles de Mirepoix, Caudeval, Montaragon… et le grand donjon de Roquetaillade.
    Boucicaut ne crut pas utile de répondre. Tristan se porta à la hauteur du maréchal. « Oui, je me plais à Vincennes, même si j’y vis comme un palefrenier, mangeant avec le commun et dormant sur la paille. » Il regardait droit devant lui, la senestre appuyée sur le pommeau de sa Floberge. Ailleurs, et bien qu’il lui fut difficile d’en juger puisqu’il ne disposait d’aucun élément de comparaison, il se fût langui, désespéré de l’absence d’Oriabel. Ici, il se sentait en accord avec ces tours, ces murailles, ce donjon incomplet et déjà véritablement royal. L’impression non seulement sereine, mais héroïque qui se dégageait de ce colosse avait pour lui des vertus de grandeur et d’immortalité. De plus, il vivait au cœur d’un grouillement pacifique et quelquefois joyeux. Que la plèbe ou la noblesse fût responsable de cette joie, certes fugitive et superficielle, mais belle à observer sinon à partager dans ses manifestations toujours simples et inattendues, adoucissait les plaies de ses malaventures.
    – J’aime aussi comme vous les tours de Carcassonne. Ceux qui vivent en dedans, chevalier, n’ont rien à craindre des routiers… Ceux qui vivent au-delà feraient bien d’aller y trouver refuge dès maintenant… Le roi pense assagir les Tard-Venus et les pousser vers l’Espagne. Créer, pour ce Trastamare que je n’aime guère, une grosse compagnie, la gente blanca, la Compagnie blanche… Les hommes porteront la croix sur leur poitrine…
    – Rouge sang.
    – Eh oui, compère… Je vois qu’on se comprend… Après la pestilence noire, ce peuple mal heureux qui ne nous a rien fait va subir ce que les Goddons nomment la red plague la peste rouge… Voyez-vous, je souhaite que ni vous ni moi ne franchissions les Pyrénées… Certes, ostoier 151 contre Pierre le Cruel, c’est aussi combattre ses alliés, les Anglais, mais en des champs qui ne sont pas nôtres… Je crois que si j’étais contraint de guerroyer en Espagne, la joie des victoires que je pourrais y remporter se ternirait d’amertume. Cette fausse grandeur, c’est bon pour…
    – Audrehem ? suggéra Tristan.
    Allusion risquée. Il

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