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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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imprévisible.
    – Je ne l’ai pas violée, dit-il. Ça serait plutôt elle qui s’est jetée sur moi en me suppliant de la réchauffer… Cette pute, elle aurait aimé qu’un ost tout entier lui passe sur le corps… J’ai ouï des galops pas très loin. J’ai sauté en selle et suis parti… Il y avait des épiniers… J’ai arrêté mon cheval et j’ai vu Panazol, Jabeuf, Herbulot… Ils devaient la détester… Eux, croyez-moi, ils ne l’ont pas forniquée : ils en avaient trop coutume, sans doute. Ils lui ont demandé où elle cachait son trésor… pas ses trésors, qu’ils connaissaient et voyaient encore comme je vous vois… Elle a re fusé de leur dire… Alors, ils ont été pris d’une sorte de forcennerie et l’ont occise.
    Buzet s’interrompit, laissant implicitement la parole à Beltrame :
    – Oubliez cette carogne, messire. Sans quoi, on serait déçus.
    « Pauvre Mathilde ! » songea Tristan.
    Au plus aigu, parfois, de la détestation, il lui était arrivé de la plaindre. Il y avait, disponible en elle, une hardiesse tellement naturelle assortie à une volonté d’exister si impérieuse, qu’il lui fallait, pour se sentir à l’aise, les dilapider dans la volupté. De son réveil à son coucher, elle était simplement et nuement un corps avant que d’être une âme revêtue de chair et d’os. Pour elle, la caresse devait succéder à l’égratignure, le soupir de contentement à la plainte hargneuse ; la haine sans faiblir affleurait l’amour.
    Afin d’éprouver dans leur plénitude tous les délits 145 et vertiges des sens, elle s’acharnait dans des pâmoisons d’autant plus épicées que les précédentes lui avaient semblé, par d’obscures comparaisons, incomplètes ou imparfaites. Aussi conjuguait-elle la perversité et la bénignité, le cri et le murmure, l’iniquité 146 et la religiosité – car il lui était advenu, au sortir précipité du lit, de se jeter sur son prie-Dieu pour implorer le pardon de ses débordements rehaussés de suppliques irrémissibles. Qu’il éprouvât, lui, Tristan, une douloureuse pitié envers cette malade apparaissait comme la juste conséquence d’un décès ourdi par la crapule et dont il se fut méprisé de se réjouir : Mathilde l’avait sauvé du bûcher.
    – Un trésor, dit-il. Je l’ai entrevu. Il était sous son lit. Panazol le trouvera sans peine… Que cet or et ces joyaux lui portent malheur ainsi qu’à ses compères !
    Il soupira. Le chantier de Vincennes, bruyant et animé, lui déplaisait. Castelreng lui apparaissait, par opposition, comme un lieu serein où, en toute saison, il faisait si bon vivre qu’il enviait son père, lequel avait pu, de sa jeunesse à sa maturité, tracer le sillon d’une main et de l’autre tenir le glaive.
    « Moi, et pour mon regret, je ne suis qu’un guerrier. »
    Partir ? Impossible après son entrevue avec Jean II.
    Impossible également après avoir invité ses hommes à se rendre eux aussi en Avignon. Long cheminement qui, peut-être, le rapprocherait d’Oriabel et de Tiercelet…
    Des hommes passaient, soutenant deux par deux des poutres. D’autres poussaient des fardiers aux roues basses sur le plateau desquels tremblaient quelques pierres sorties des mains des tailleurs, les unes épannées, les autres portant çà et là les griffes des ciseaux. Ici, une charrette s’arrêtait, chargée de paille plus haut que ses trésailles 147  ; là, un haquet tiré par deux limoniers s’immobilisant devant l’échansonnerie, et quatre hommes s’empressaient d’en incliner l’arrière et d’en rouler les tonneaux transportés depuis quelque port de Seine ou de Marne. Partout l’on s’activait dans l’immense cour plate où de loin en loin scintillait l’eau d’une auge, d’un abreuvoir ou d’une jonchée de graviers apportés, ruisselants, des sablières d’Ivry. Des cris montaient, entremêlés de rires, avec un flux, un reflux de marée, troublant parfois le sommeil des hommes qui avaient œuvré nuitamment et qui se reposaient sous quelque auvent d’une maisonnette où s’empilaient des sacs, des moellons équarris, des caisses emplies d’outils neufs – ciseaux, asseaux, marteaux, becs-d’âne, piochettes, truelles. Plus loin, sur le seuil de l’écurie du roi et des nobles hommes, des fienterons 148 balayaient ou amassaient des litières de paille souillée cependant que des fenassiers 149 , à grandes fourchées, dégageaient le fourrage

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