Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
d’humeur ou d’un cri qui offenserait ce fredain 279 .
    Les gens, les groupes épars s’étaient resserrés pour assister d’aussi près que possible au passage des arrivants. On les saluait. Une jouvencelle leur jeta sa dernière gerbe de bluets et de persicaires. Bien que sous les fers qui les couvraient leur rusticité fût éloquente, ils exerçaient un incontestable ascendant sur ces manants et bourgeois que les venues des armées anglaises sous les murs de la cité avaient à tout jamais effrayés.
    – J’espérais le voir et mon émoi est plus grand que je ne l’avais prévu ! enragea Tristan.
    Alors que Paris, rutilant dans le soleil du soir, semblait lui sourire et l’inviter à la sérénité, à la patience et peut-être à l’amour, l’apparition de l’Archiprêtre assombrissait tout. Le Louvre en voie de rajeunissement, et tout aussi animé que le donjon de Vincennes, et Saint-Germain-l’Auxerrois où tintait, triomphante, une cloche, lui paraissaient éloignés de son plaisir, de sa sensibilité, de ses espérances.
    – Il manque, dit Paindorge, celui qui s’appelle Donat. Il me semblait pourtant son fidèle écuyer.
    – L’Archiprêtre n’a pas plus d’écuyer que de cœur dans la poitrine… Il n’a que des suppôts pour le servir… Et puis tiens, Donat, le voilà en compagnie d’un autre… Ils ont mis pied à terre… Leurs chevaux les suivent comme des chiens…
    Luciane regardait fixement les deux hommes. Une extase tendait son visage soudain pâli ; ses yeux pleins de songe quelques moments avant l’arrivée de l’Archiprêtre semblaient s’éveiller d’un long sommeil. «  Elle ne nous voit plus  », songea Tristan. Une anxiété mêlée d’incrédulité griffait le front pur de la jouvencelle. Elle étouffait et se refusait à croire ce qu’elle voyait. Jamais, même lors de leur évasion de Cobham, Tristan ne l’avait vue en proie à une agitation pareille. Sa main avait subitement moiti et tremblait.
    – Qu’avez-vous m’amie ?
    Les paupières de Luciane cillèrent ; un sourire trembla sur ses lèvres décloses :
    – C’est lui !… Mon tayon 280  !
    Sa main lâcha la dextre de Tristan.
    – Qui lui  ? demanda-t-il tandis que la jeune fille courait au-devant des deux hommes.
    – Son oncle, dit Paindorge. Êtes-vous sourd ?
    Tristan se sentit blêmir. Luciane sautait au cou de son parent ; elle riait et pleurait tout ensemble ; il lui rendait ses baisers puis, la tenant par la taille, l’élevait jusqu’à ce que leurs visages fussent à hauteur égale. Donat s’ébaudissait de ces embrassements.
    – Son oncle…, répéta Tristan. Et par ce que je vois et toi aussi, il appartient à l’Archiprêtre.
    La scène à laquelle il assistait dépassait ses prévisions. Il avait imaginé ces retrouvailles au château de Gratot.
    – Il est vrai que je crois reconnaître cet homme, dit-il à son écuyer. C’est bien avant Poitiers que je l’ai rencontré, mais il n’était pas auprès d’Arnaud de Cervole !… C’est comme un miracle qui se produit là, devant nous.
    Comme sa voix lui semblait lourde, désenchantée !
    Il eut envie d’empoigner Paindorge par l’épaule et de lui enjoindre : « Partons », mais c’était impossible : heureuse et suivie de son oncle ébahi, lui aussi, par ce décret de la Providence, Luciane revenait.

IX
     
     
     
    –  Je te reconnais…
    – Moi aussi.
    – Maupertuis.
    – Hélas !
    Les joues rosies de plaisir, Luciane regardait alternativement ces deux hommes dont l’un, après une longue absence, venait de réintégrer sa vie – que l’autre avait sauvée d’un exil fastidieux.
    – Thierry Champartel, pas vrai ?… Luciane fait de toi une sorte d’archange.
    – Et toi, Tristan de…
    – Castelreng. Chevalier comme toi.
    L’absence de particule laissait Tristan indifférent. Certains hommes sortis de la roture avaient reçu les éperons après des appertises (508) exceptionnelles.
    Du menton, sans arrogance, l’oncle de la jouvencelle désigna le troisième homme :
    – Et lui ?
    – Robert Paindorge, l’écuyer de Tristan, dit Luciane.
    Elle avait mis dans sa réponse toute la bienveillance, toute la gratitude dont elle était redevable à ce garçon qui avait contribué à sa délivrance. Tristan l’en remercia d’un clin d’œil.
    – Je te raconterai, Thierry, dit-il. Seul Paindorge a survécu à notre incursion sur les terres de Renaud de Cobham. J’avais

Weitere Kostenlose Bücher