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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ne porte pas à conséquence. » Il existait un antidote à l’espèce d’émoi qui le prenait soudain : Oriabel. Le souvenir d’Oriabel. Mais quelque exclusivement occupée que fut à cet instant son âme par l’image presque réelle de l’absente, Tristan dut reconnaître que cette main doucement crochetée au-dessus de son coude lui procurait une satisfaction que Paindorge ne soupçonnait pas.
    – Pourquoi faites-vous ce visage maussade ? Est-ce à cause de…
    Luciane lui pinçota le bras.
    – Non… Mais non ! protesta-t-il.
    Elle sourit, nullement convaincue. L’odeur de sa chevelure emplissait les narines de Tristan ; presque la même que celle d’Oriabel, et pourtant toute similitude avec l’absente était exclue. Qu’eût-elle fait en le découvrant ainsi lié à Luciane ? Pleuré ? Menacé ? Fui en courant pour lui cacher sa peine ? Il se pouvait que Tiercelet, à l’instant, eût sa main posée sur son épaule. Paternellement ? Non. Fraternellement ? Sans doute. L’ancien mailleur de Chambly avait un cœur. Des sens. S’il était parfois sans scrupules, il s’était révélé, dans l’amitié, d’une rectitude absolue. Et cette intégrité, il la conserverait.
    – À quoi pensez-vous ? s’inquiéta Luciane.
    Il eût dû partir seul pour le Louvre en la laissant auprès de Paindorge. Mais qu’eût-il éprouvé à cet esseulement sinon le regret de l’avoir délaissée ?
    – Nous y sommes, messire, dit Paindorge.
    – Avançons encore un tantinet.
    Après tout, peut-être s’était-il fait d’Oriabel un portrait préconçu. Ils s’étaient aimés sans connaitre d’autres émotions que la peur de mourir et de se perdre ; sans éprouver d’autres attirances que ce lles de leurs corps. Que deviendrait leur vie s’ils se retrou vaient ? Tout ce qu’il imaginait d’elle procédait de son désir d’être l’amant et l’époux d’une femme idéale. Serait-ce la même Oriabel qu’il reverrait à Castelreng, si toutefois Tiercelet l’y avait conduite ?
    – Pourquoi, Tristan, me regardez-vous ainsi ?
    – Je ne vous regarde pas. Je vous contemple.
    La main sur son biceps eut un tressaillement.
    Un silence passa entre eux. Le visage changeant de Luciane prit une expression d’anxiété. Toute sa joie de lui donner le bras parut s’envoler à tire d’aile comme ces pigeons du palais royal débusqués d’une fenêtre, et qui fuyaient, au-dessus des toits coniques et pentus, vers un abri plus sûr.
    – Entrons-nous ? demanda Paindorge.
    D’autres pigeons s’envolèrent, cette fois vers les toits de Saint-Germain-l’Auxerrois ; certains se perchèrent parmi les flammes de la rosace.
    – J’aimerais prier…
    « Plutôt exprimer un vœu », songea Tristan » souriant à Luciane.
    – Accompagne-la, Paindorge… Mais ne vous attardez pas.
    – Vous ne priez pas ?
    – Je prie… Je dois même avoir une belle avance sur vous !
    – Si vous ne venez pas, je renonce… Par Dieu, vous suis-je une gêne ?
    Elle l’avait lâché ; elle le regardait, les joues roses, les paupières vacillantes, comprenant qu’elle venait d’outrepasser les limites de la bienveillance et de l’amitié en lui révélant un courroux qu’il jugea inadmissible.
    – Pardonnez-moi, dit-elle après un silence, si je vous ai contrarié. Je préférerais mourir que de vous offenser.
    Tendrement, il lui caressa les cheveux, mais une amertume légère emplissait sa gorge. Prenant Paindorge et la jouvencelle par l’épaule, il les entraîna vers le Louvre où, çà et là, comme à Vincennes, montaient des échafaudages.
    – J’ai vécu céans… Je me suis ennuyé à mourir dans ces cours, ces tours, ces logis… Ces murs pesants écrasaient en moi toute joie… Et puis je ne me suis jamais senti à l’aise parmi ces gens, ces chevaliers que vous voyez passer… Jugez de leur hautaineté de leur frisqueté 274 indécente… Les hommes montrent leur cul ou presque, et les femmes leurs tétons… Jamais autant qu’au Louvre je n’ai songé à mon pays. Au châtelet de mon père… De la fenêtre de ma chambre, par-dessus les têtes des arbres chevelus l’été, décoiffés l’hiver, j’apercevais les bosses des montagnettes qui font comme un cortège à l’Aude, et si je ne pouvais voir la rivière, j’entrevoyais les scintillements d’un ruisseau : le Cougain. Tout compte fait, c’est là que j’aimerais vivre.
    – Qui vous en empêche ?
    Il ne

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