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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pouvait parler d’Aliénor. Il haussa les épaules et biaisa :
    – Le service du roi.
    Luciane ne fut pas dupe.
    – Moi, Tristan, au lieu d’un ruisseau, je découvrais à mon réveil une douve à l’eau grise, puis des arbres, des grands… des géants… Il m’importait peu que la demeure de mes parents et de leurs ancesseurs 275 soit à l’abandon : j’y étais bien. J’y étais quiète… Quelle erreur a commise mon oncle en me confiant à dame Catherine !
    Elle devinait que rien n’était achevé de ses mésaventures ; que d’autres événements se préparaient dans l’ombre, sans qu’elle sût s’ils seraient bons ou mauvais. Elle se sentait une espèce de plume soumise aux souffles de Dieu.
    – Allons, grommela Paindorge. À quoi bon vous ramentever 276 toutes les choses laides qui vous sont arrivées ! Nous sommes là, et cela seul importe !
    Puis à Tristan :
    – Il y a une taverne, là-bas, tout près de l’église. Nous pourrions y boire un gobelet de vin et y manger un brin…
    – Allons-y… Redonnons-nous la main par crainte de nous perdre.
    Luciane tendit les siennes à contrecœur.
    Ils avancèrent dans la foule et la rumeur d’un petit marché dont les flux et les reflux venaient battre jusqu’aux murs du Louvre. Luciane regarda les jouvencelles pressées autour des éventaires et qui, l’escarcelle pleine de monnaie de billon 277 , se contentaient de s’emplir la vue des attifets d’orfroi, de cuivre ou de laiton exposés sur les étals. Les femmes, occupées de nourriture, choisissaient dans les pyramides souvent éboulées des poires, des panais et des raves dont le gris se mêlait au sinople des plumails des poireaux et au rouge sombre, étincelant, des cerises. Il y avait aussi des courges aussi grosses que des esteufs (507) et, touchés d’un peu de violet, des monceaux de navets. Apprêtés de maintes façons ils composaient le plat de prédilection des Parisiens.
    – Voilà, dit Tristan, qui va nous ouvrir l’appétit pour ce soir. J’espère que dame Goussot va nous apprêter quelques mets savoureux !
    Des fillettes criardes et diligentes brandissaient des poignées de fleurs – marguerites et centaurées – et s’accrochaient parfois au bras des bourgeoises ou de quelque baron de passage pour leur vendre une gerbe cueillie le matin même en amont ou en aval de Paris. Elles avaient entre dix et douze ans ; les plus vieilles, – de l’âge de Luciane – nu-pieds, les cheveux flottants, ébouriffés, et les robes collantes, lançaient aux hommes des œillades empreintes d’une bienveillance excessive, eu égard à tout ce qu’elles avaient appris des vices et cruautés de leurs semblables.
    « Elle m’observe et voudrait savoir ce que j’en pense… Elle parlait de la peur… Il y avait aussi des ribaudes à Brignais… Celles de Paris sont des anges comparées à celles que j’ai vues ! »
    Soudain, des galopins passèrent, précédant des cavaliers, courant et hurlant : « Place ! Place ! » Dix chevaux, dix hommes et trois sommiers.
    – Cervole ! s’exclama Tristan.
    C’était lui, chevauchant un roncin bai qui dansait un peu.
    – Je suis sûr que dans son harnois plain 278 , il se prend pour un preux.
    – Allons, messire, allons !… Laissez votre épée dans son fourreau où l’on vous prendra pour un fou !
    – Tu as raison, admit Tristan.
    Si peu de chair que le bassinet ouvert laissât paraître de son visage, l’Archiprêtre était reconnaissable. D’ailleurs, auprès de lui, Floridas tenait sa bannière. Elle était neuve, et le cerf honni, taillé dans du velours de Gênes, bondissait dans ses plis et replis.
    – Je reconnais le petit Darby et Heurteloup…
    – Les autres n’étaient pas à Montaigny.
    – C’est vrai, Paindorge… Tous ont des faces de coupe-jarrets !
    – Contenez votre fureur…
    Personne autant que Paindorge n’eût pu mesurer les pulsations de cette fièvre de haine que la seule vue de l’Archiprêtre venait de communiquer à Tristan. Parce que Paindorge avait vécu à Montaigny et parce qu’il savait tout.
    – Vous ne pouvez rien envers cet homme. Il serait périlleux de commettre une action contre lui… L’accuser de trahison ?… Il vous faut des preuves et vous en manquez…
    Paindorge parlait bas, en hâte ; il ajouta :
    – Et comme vous n’êtes pas en odeur de sainteté ni auprès du roi ni auprès de monseigneur Charles, abstenez-vous d’un mouvement

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